« L’Amour debout » : un récit d’apprentissage à Paris
« L’Amour debout » : un récit d’apprentissage à Paris
Par Mathieu Macheret
Le premier long-métrage de Michaël Dacheux est rythmé par le motif de la rencontre – amoureuse, amicale, professionnelle, tutélaire.
Martin (Paul Delbreil) et Léa (Adèle Csech), 25 ans, se sont aimés et se retrouvent furtivement à Paris. Elle anime des visites guidées des quartiers méconnus de la capitale. Lui a lâché ses études en province pour faire du cinéma. Sur leurs voies divergeantes, le souvenir encore palpitant de leur relation laisse bientôt place à autre chose : l’acclimatation aussi stimulante que difficile à la grande ville, faite de rencontres et de dérives, d’opportunités et de frustrations. Quelques saisons plus tard, ils se reverront à nouveau et tout, autour d’eux et en eux, aura changé.
Le premier long-métrage de Michaël Dacheux, présenté dans la sélection de l’ACID lors du dernier Festival de Cannes, s’inscrit à la suite de récents films français (Mes provinciales, de Jean-Paul Civeyrac, Mektoub, My Love : Canto Uno, d’Abdellatif Kechiche), qui tressent ensemble les motifs de l’apprentissage et de la cinéphilie. Martin, double du cinéaste en devenir, est en effet un jeune amoureux du cinéma, dont l’arrivée dans la capitale n’ira pas sans certains rites d’approche et de transmission, jalonnant sa découverte d’un milieu et de lui-même (son homosexualité).
EXTRAIT - L'AMOUR DEBOUT de Michaël Dacheux (ACID Cannes 2018)
Durée : 01:27
Jardin secret
Michaël Dacheux va ainsi à l’encontre d’une certaine répugnance qu’a le cinéma à se considérer lui-même comme un fait social. Sans verser dans l’autocomplaisance, le film s’attache surtout à investir des espaces délaissés par la fiction – les travaux peu reluisants avec lesquels on entame une carrière artistique – comme à réenchanter l’ingratitude supposée des choses ordinaires.
Rythmé par le motif de la rencontre (amoureuse, amicale, professionnelle, tutélaire), le récit s’étend, par capillarité romanesque, à une petite galerie de personnages, dont chacun détient son jardin secret ou domaine de spécialité : un ami physicien, un enseignant, un compositeur de musique contemporaine, une comédienne (Françoise Lebrun, qui porte avec elle le souvenir de La Maman et la putain, de Jean Eustache).
De même, Paris est filmé sous son jour le plus surprenant, par ses voies de traverse et ses angles inattendus (le parc de la Villette), comme une martingale qui relance les combinaisons de personnages. Lieux et caractères s’assemblent au gré des coïncidences, dans un damier d’affects qui résonne de nuances musicales, sur les morceaux de Maurice Ravel et Robert Schumann. L’Amour debout se traverse ainsi comme une fugue, dont les accents, tantôt graves et doux, virevoltent au gré du vent, sans jamais se laisser piéger par un sujet ou une dramaturgie trop directifs.
L'amour debout - Bande-annonce
Durée : 01:23
Film français de Michaël Dacheux. Avec Paul Delbreil, Adèle Csech, Samuel Fasse, Jean-Christophe Marti (1 h 23). Sur le Web : www.epicentrefilms.com/L-Amour-debout-Michael-Dacheux