Le rugby forcé de se réinventer après les drames
Le rugby forcé de se réinventer après les drames
Par Adrien Pécout
Comment sécuriser la pratique de ce sport de contact pour les joueurs ? La Fédération française explore toutes les pistes.
Si certains comparent la situation à celle de la sécurité routière, c’est qu’il y a urgence. De même que des limitations de vitesse et autres mesures préventives ont réduit le nombre de morts sur les routes, l’introduction de nouvelles règles pourrait amoindrir les risques de drames dans le rugby. Un sujet sur lequel doit se pencher, les 19 et 20 mars à Paris, un forum international consacré à la santé des joueurs et à l’évolution des règlements.
Rien d’étonnant à ce que ce rendez-vous se tienne : en moins d’un an, les décès rapprochés de quatre jeunes hommes ont secoué le rugby français. Des joueurs de niveaux très hétéroclites, âgés de 17 à 23 ans, tous morts à la suite de plaquages : un professionnel d’Aurillac, un espoir du Stade français, un amateur de Billom (Puy-de-Dôme), ainsi qu’un étudiant inscrit dans un simple tournoi interécoles. La question ignore les frontières : en Océanie, le 24 janvier, la Fédération samoane de rugby officialisait le décès d’un joueur de 27 ans, quatre jours après une commotion cérébrale survenue en plein match.
Passé l’émotion, subsiste une question, « la » question pour le rugby : que faire pour sécuriser davantage un jeu dont l’évolution inquiète ? Elle vaut bien sûr pour les joueurs de haut niveau, au corps métamorphosé depuis la professionnalisation de ce sport et l’intensification des entraînements. Mais elle a aussi toute son importance pour les pratiquants amateurs, moins imposants pour la plupart, mais moins bien encadrés. Même des joueurs du XV de France hésiteraient à confier un ballon à leurs enfants. Plus tard, « pour être honnête, je ne suis pas totalement sûr de vouloir que mon fils de 9 mois fasse du rugby », reconnaissait en août Jefferson Poirot, pilier de l’Union Bordeaux-Bègles.
Depuis, la Fédération française de rugby a tenté de rassurer parents et pratiquants de tous âges. Une action indispensable, si elle veut enrayer l’érosion actuelle de son nombre de licenciés. En décembre 2018, sans pour autant préciser de date d’application, la « fédé » annonçait son intention d’expérimenter trois nouvelles règles au niveau amateur : l’interdiction du plaquage par deux joueurs en même temps ; des sanctions renforcées pour pénaliser les plaquages tête contre tête ; enfin l’abaissement de la ligne de plaquage autorisée, en la faisant passer au niveau de la ceinture, et non plus des épaules.
Privilégier les contournements
Cette dernière règle a déjà fait l’objet de tests auprès d’équipes nationales des moins de 20 ans. La Fédération anglaise l’a aussi expérimentée cette saison pour ses clubs de deuxième division. Problème : selon le quotidien The Telegraph, ses dirigeants ont déjà prévu d’interrompre cette mise à l’essai. D’après une première étude réalisée sur la base de 36 matchs, abaisser la ligne de plaquage entraînerait une baisse des contacts au niveau de la tête… mais une augmentation des risques de commotion si le porteur du ballon et le plaqueur se baissent simultanément.
D’autres militent pour une nouvelle approche générale du rugby. Pour un retour à un jeu fait de contournements plutôt que d’affrontements, un jeu tel que le conceptualisait René Deleplace. Ancienne figure du Paris Université Club, l’auteur de Rugby de mouvement, rugby total (éditions EPS, 1979) a inspiré des générations d’entraîneurs. Parmi eux, le Toulousain Pierre Villepreux, finaliste de la Coupe du monde 1999 lorsqu’il était chargé du XV de France. Cette philosophie perdure à travers l’association Culture Rugby Mouvement Témoignages. Elle impliquerait un aménagement des règlements.
Depuis 2015, la Ligue d’Ile-de-France réhabilite le jeu de passes et d’évitement par une nouvelle règle dans les catégories de jeunes : « Obliger les gamins à jouer debout, à passer le ballon dès qu’ils entrent en contact avec un adversaire plutôt qu’à se jeter au sol », résume Florian Grill, président de la ligue régionale. La mesure, depuis 2018, s’étend à tout le pays pour les jeunes de moins de 12 ans.
Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec Sète Agglopôle Méditerranée à l’occasion du Forum Sport & Santé