Sur les tapis de sol, sur les « steppers » et une batterie d’appareils, une vingtaine de jeunes s’activent. Tous sont des sportifs de haut niveau. Et tous ont été blessés – une fracture osseuse, une entorse, une déchirure musculaire… Nous sommes au centre médical de l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep). Au cœur du bois de Vincennes (Val-de-Marne), sur 28 hectares, cet institut accueille 800 sportifs, parmi les meilleurs de France, âgés de 14 à 35 ans. Là, ils bénéficient d’un entraînement de pointe, mais aussi d’une prise en charge médicale et de protocoles de récupération sur mesure.

Un pâle soleil de janvier baigne le plateau de rééducation. Au milieu de cette ruche, une jeune femme, la jambe bardée de capteurs, plie et déplie le genou, assise dans une machine reliée à un ordinateur. « Cette athlète a subi une lésion du ménisque du genou. Elle réalise ici un bilan isocinétique, qui nous permet d’adapter le protocole de rééducation », explique François-Xavier Ferey, responsable de l’unité de masso-kinésithérapie.

« Notre centre a une triple mission de prévention, de soin et de rééducation, affirme le docteur Sébastien Le Garrec. Ici, nous réalisons 60 000 actes par an, pour un budget d’environ un million d’euros »

Une salle de renforcement et rééducation musculaire de l'INSEP (Institut National du Sport, de l'Expertise et de la Performance) à Vincennes, le mercredi 16 janvier 2019. / Odhràn Dunne pour le Monde

L’isocinétique est une technique née de la conquête spatiale. Grâce à une résistance qu’il adapte lui-même, le patient réalise un mouvement à vitesse constante. L’intérêt : un travail optimal, un effort adapté à la fatigue et à la douleur. Un peu plus loin, un jeune homme, debout sur un pied, fait face à un kiné qui réalise un « bras de levier » : paume contre paume, ce dernier éprouve la stabilité de l’athlète. « Un travail de gainage, à la suite d’une entorse de cheville », commente François-Xavier Ferey.

En décembre 2018, le centre médical de l’Insep a obtenu le label du Comité international olympique (CIO). « Nous sommes le onzième institut au monde à disposer de cette reconnaissance », se réjouit son directeur, le docteur Sébastien Le Garrec. Ce nouveau label lui a déjà permis de tisser un réseau francophone avec quatre autres instituts, en Suisse, en Belgique, au Luxembourg et au Canada, que coordonne l’Insep. Leur thématique commune : la prévention des blessures et la protection de la santé des athlètes. « Notre centre a une triple mission de prévention, de soin et de rééducation, indique le médecin. Ici, nous réalisons 60 000 actes par an, pour un budget d’environ 1 million d’euros. » Le centre peut miser sur une trentaine de médecins et de dentistes, une quinzaine de kinés, quatre psychologues, trois infirmières, quatre podologues…

Collaboration avec les entraîneurs

Sa première mission est donc la prévention. « En juin 2016, un arrêté ministériel a redéfini les conditions de la surveillance médicale des sportifs de haut niveau », souligne Sébastien Le Garrec. Tous les ans, chaque sportif doit bénéficier d’un examen clinique, d’un bilan diététique et psychologique, de la recherche d’un état de surentraînement et d’un électrocardiogramme de repos. En sus, des examens supplémentaires sont pratiqués à la demande de chaque fédération sportive. Avec les récents drames qui ont endeuillé le football et le rugby, on mesure toute l’importance de cette prévention. Mais le problème est plus large : « La Fédération française de rugby s’interroge sur les modalités de la pratique de ce sport », glisse le médecin.

Dans le bureau de François-Xavier Ferrey, kinesitherapeute de l'Insep (Institut National du Sport, de l'Expertise et de la Performance) à Vincennes, le mercredi 16 janvier 2019. / Odhràn Dunne pour le Monde

Seconde mission : les soins. A l’Insep, vingt-six disciplines sportives sont représentées. Elles sont regroupées en vingt et un pôles. « Pour chaque pôle, un staff médico-technique se réunit chaque semaine autour du cas de chaque sportif blessé. » L’entraîneur est présent. « C’est important pour nous de connaître le contenu exact de l’entraînement, insiste Sébastien Le Garrec. L’enjeu est d’éviter qu’un athlète blessé ne soit en arrêt complet. En cas de blessure à la cheville, par exemple, on pourra lui proposer de la musculation, du gainage, du cardio-training en piscine… »

Aide de psychologues en cas de blessure, préparation mentale en vue des compétitions, récupération…

L’arrêt pour cause de blessure, pour ces champions, constitue souvent un moment délicat. « Il y a des considérations médicales mais aussi sportives. Le calendrier sportif s’est beaucoup alourdi ces dernières années », reconnaît Sébastien Le Garrec. Certaines compétitions sont prioritaires, et les thérapeutes doivent en tenir compte. « Il y a sept semaines, une de nos escrimeuses s’est fait une entorse au pied. Il a fallu faire l’impasse sur une épreuve de Coupe du monde. Mais cette sportive expérimentée l’a plutôt bien vécu. » Car à trop vouloir gagner du temps, on risque surtout d’en perdre ! « Quand les blessures sont longues, nous nous appuyons sur l’aide d’un psychologue. A cet égard, un tabou est heureusement tombé. »

Le centre propose aussi un accompagnement d’aide à la performance. « Il s’agit d’une préparation mentale pour qu’à l’instant T, lors de la compétition, le sportif puisse bénéficier d’une concentration optimale, d’une bonne gestion de ses émotions… », indique Anaëlle Malherbe, psychologue. Chaque praticien propose ses propres outils : techniques de respiration, visualisation, méditation de pleine conscience, hypnose…

La troisième mission du centre est la récupération. Ici, place au bien-être des sportifs, avec une belle panoplie de soins : balnéothérapie avec bain chaud (38 °C) et bain froid (8 °C), hammam, hydrojets. Et surtout, une salle de cryothérapie corps entier. Après un bref passage par deux sas, à – 20 °C et – 60 °C, le patient pénètre dans une salle à – 107 °C, où il restera trois minutes. « L’intérêt de ce soin a été démontré sur la qualité du sommeil. Pour le reste, on dispose de peu d’études scientifiques. Mais nous avons le sentiment qu’elle améliore la qualité de vie. » Notamment en cas de lésions articulaires, tendineuses ou musculaires.

« Le judo génère énormément d’impacts. Avec ses effets anti-inflammatoires, la cryothérapie est un soin très adapté », selon Loïc, un jeune judoka blessé

Illustration. A travers la vitre de la salle de cryothérapie, un géant longiligne danse sur une musique de Michael Jackson. Juste vêtu d’un slip, coiffé d’un bonnet et d’un masque, mains et pieds couverts de gants et de chaussettes. Trois minutes plus tard, il sort. « Sur le moment, ce n’est pas très agréable. Mais le soir, je m’endors mieux, ma douleur semble calmée », témoigne Lucas, un handballeur de 22 ans qui souffre de douleurs chroniques aux adducteurs.

Une salle de relaxation avec luminothérapie à l'Insep (Institut National du Sport, de l'Expertise et de la Performance) de Vincennes, le mercredi 16 janvier 2019. / Odhràn Dunne pour le Monde

Puis vient le tour de deux autres sportifs. « Au début, ça pique un peu, mais c’est supportable, juge Aymerick, escrimeur de 21 ans. J’ai subi une fracture du radius, et la cryothérapie atténue ma douleur sur le long terme. » Et Loïc, judoka de 30 ans, d’ajouter : « Le judo génère énormément d’impacts. Avec ses effets anti-inflammatoires, la cryothérapie est un soin très adapté. »

Dans une perspective plus large, quels sont pour ce centre les défis de Paris 2024 ? « Pour le moment, notre objectif est de travailler au plus près des athlètes, avec des niveaux d’exigence et d’expertise élevés, dit Sébastien Le Garrec. La labellisation CIO nous incite à poursuivre nos efforts. »