Manifestation de « gilets jaunes », le 26 janvier, à Toulouse. / PASCAL PAVANI / AFP

C’est sur les rives verdoyantes de la Saône, à quelques kilomètres de Lyon, que la petite commune de Saint-Germain-au-Mont-d’Or (Rhône) accueillait, mercredi 16 janvier, la première réunion citoyenne du grand débat national. Sur les 3 200 habitants, 170 s’étaient réunis pour l’occasion, démontrant ainsi une mobilisation à la hauteur de l’évènement. Mais parmi eux, l’absence notoire des moins de 30 ans interroge. Où sont les jeunes ?

« Je souhaite que le plus grand nombre de Français puisse participer », avait pourtant assuré le chef de l’Etat dans la lettre aux Français qu’il avait adressée en préambule du grand débat. Alors que l’abstention des jeunes avait atteint un nouveau record en 2017 – moins de 20 % des électeurs âgés de moins de 29 ans avaient voté de manière systématique, selon l’Insee – leur participation aux échanges sera scrutée de près par un gouvernement soucieux de renforcer son lien avec les Français.

« Les jeunes étaient sous-représentés », déplore Renaud George, le maire (LRM) de Saint-Germain-au-Mont-d’Or et organisateur de l’échange. Partout chez les élus, le constat est le même. Ludovic Zientek, maire (PS) de Bouchain (Nord) et Jean-Charles Larsonneur, député (LRM) du Finistère, recensent à peine 5 participants de moins de 30 ans aux cafés citoyens où ils rassemblent à chaque fois une cinquantaine de personnes. « C’est très difficile de sensibiliser au-delà de la minorité de jeunes déjà engagés qui sont, eux, très mobilisés », résume Amine Elbahi, 22 ans, étudiant lillois et organisateur d’un débat à Roubaix.

Rôle des associations de jeunesse

M. George décrypte cette situation en évoquant « une génération plutôt smartphones et réseaux sociaux que troquets et réunions publiques (…) qui ne s’intéresse à la vie locale qu’à partir du moment où ils ont des enfants ». Des raisons structurelles auxquelles Charles Fournier, vice-président de la région Centre-Val de Loire en charge de la transition écologique et citoyenne, ajoute deux facteurs plus politiques : la « faible représentativité des jeunes dans le paysage politique » et « la nature des sujets, trop généralistes et pas assez contextualisés en fonction de la jeunesse ».

Une cause réfutée par Gabriel Attal, le secrétaire d’Etat à la jeunesse, qui considère que chaque jeune est invité à s’exprimer sur tous les sujets. « On n’est pas au restaurant où il y aurait un menu enfant d’un côté et la carte pour les adultes de l’autre », estime M. Attal. A ses yeux, l’implication des jeunes ne doit pas se cantonner aux seules questions relatives à l’université ou au Service national universel, mais bien s’étendre à l’ensemble des sujets évoqués, de la transition écologique à la fiscalité en passant par les enjeux institutionnels et citoyens. Mais il faudra pour cela, réunir les conditions qui permettront une plus forte mobilisation que lors des premiers échanges.

Aux yeux du benjamin du gouvernement qui fêtera ses 30 ans en mars, la faible participation de ses contemporains n’est pas propre au grand débat. Au contraire, il la perçoit comme un vecteur d’expression et souhaite rassembler le plus largement possible. Pour cela, il entend « rester attentif à la participation en ligne et aux canaux numériques », mais aussi et surtout, s’appuyer sur le rôle mobilisateur des différentes associations de jeunesse.

Questions politiques sur Instagram

Créé en 2014, le mouvement Allons enfants, qui vise à impliquer davantage de jeunes en politique pour améliorer leur représentation, compte bien saisir l’occasion pour se faire entendre. « Les jeunes souhaitent être associés aux décisions dont ils subiront les conséquences », affirme Pierre Cazeneuve, le fondateur du mouvement âgé de 23 ans. Parmi les sujets qu’il souhaite évoquer en priorité, le développement durable et l’évolution des institutions, avec par exemple l’abaissement de l’âge d’éligibilité au sénat de 24 à 18 ans. Mais aussi les enjeux de fiscalité, démocratie et citoyenneté qui ne doivent pas être, selon lui, le monopole des générations supérieures.

Allons enfants revendique un tropisme certain pour la démocratie participative, « dû à la génération Internet », selon M. Cazeneuve, et prévoit d’organiser des débats en banlieue parisienne à Lille et à Nancy. Néanmoins, les jeunes de ce mouvement ne représentent qu’une infime minorité. « Il n’est pas évident de sensibiliser les jeunes à la politique », regrette leur présidente, Sophie Caillaud. Pour mobiliser les moins de 25 ans, les réseaux sociaux apparaissent comme une solution concrète. Dernier exemple en date : le grand débat national des jeunes lancé par Audran Demierre, élève de terminale, sur une plate-forme en ligne.

Sur son site, ce lycéen invite les 15-25 ans à remplir un questionnaire sur des sujets aussi divers que le Service national universel, Parcoursup ou la confiance en Emmanuel Macron. Le tout « en moins de cinq minutes ». Plus innovant encore, les questions politiques sur des pages Instagram permettent aux usagers du réseau social de voter instantanément. Dans les deux cas, le jeune homme compte bien faire remonter ces doléances 2.0 au secrétaire d’Etat à la jeunesse.

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