Ils sont nés en 2000, ils habitent la Seine-Saint-Denis, le Bas-Rhin, l’Hérault, le Finistère ou la Guyane, et ils s’étaient portés candidats pour bénéficier du Pass culture : vendredi 1er février, 10 000 jeunes Français ont reçu un courriel leur confirmant qu’ils allaient bientôt se voir remettre l’équivalent de 500 euros à dépenser en produits et événements culturels, via un catalogue en ligne proposé par le ministère de la culture.

Si personne n’a encore vu la fameuse application Pass culture (les candidats retenus doivent désormais faire parvenir au ministère divers justificatifs), des voix se sont déjà élevées pour protester contre certains de ses aspects. Celui qui fait le plus polémique : la possibilité, pour ces 10 000 jeunes (et, bientôt, pour les 800 000 Français de 18 ans) de s’acheter des jeux vidéo.

Certains s’inquiètent en effet de voir le ministère de la culture faire la promotion d’un média souvent perçu comme violent, le tout aux frais du contribuable. Pixels trie le vrai du faux.

« Le Pass culture va permettre aux jeunes d’acheter 500 euros de jeux vidéo »

FAUX

Si le Pass permet effectivement de recevoir l’équivalent de 500 euros à dépenser dans différents domaines culturels (exposition, cinéma, etc.), il existe un plafond de 200 euros pour les biens « numériques », téléchargeables – et notamment le jeu vidéo.

« On peut utiliser le Pass culture dans les boutiques de jeux vidéo »

FAUX

Les jeux vidéo « physiques », disponibles en boutique, sont exclus de la formule. Seuls sont disponibles les jeux en téléchargement. Il peut s’agir de jeux complets, de versions de « démonstration », de bonus pour des jeux (nouvelles armes, nouveaux costumes, etc.) ou encore d’abonnements à des services liés au monde du jeu.

« On ne peut pas acheter n’importe quel jeu »

VRAI

Le Pass culture est alimenté sur la base du volontariat. Ce sont les développeurs et les éditeurs qui doivent faire la démarche de proposer leurs jeux, en quantité limitée s’ils le souhaitent.

Seul éditeur majeur dans les starting-blocks, Ubisoft compte y proposer les jeux Soldats Inconnus et Steep. Des jeux mobiles vont également être disponibles, à l’image de Slashrun, Birdy Party et Celsius Hero. On va également trouver dès les premiers jours un logiciel Code la route par Anuman, une initiation à la création de jeux vidéo (Arcadémie) ou encore un abonnement d’un mois au catalogue Blacknut, un « Netflix » du jeu vidéo.

L’offre devrait toutefois rapidement s’enrichir et évoluer au quotidien. Sont attendus la boutique en ligne Gamesplanet, l’éditeur Plug In Digital (A Normal Lost Phone, Zombie Night Terror…) ou encore des jeux vidéo financés par Arte (Vandals, Homo Machina…).

« Le Pass culture ne propose que des jeux français ou européens »

PLUTÔT VRAI

Si tous les créateurs de jeux peuvent proposer leurs titres, ils devront ensuite passer par un processus de validation assez simple : seuls sont retenus les jeux pouvant prétendre à au moins l’une des deux aides attribuées par le CNC, le fonds d’aide au jeu vidéo (FAJV) et le crédit d’impôt jeu vidéo (CIJV).

Ainsi, si des studios comme le lyonnais Arkane et le parisien Amplitude ne peuvent pas prétendre au FAJV car les capitaux sont extra-européens (respectivement américains et japonais), ils satisfont en revanche aux critères du CIJV, qui exige simplement des studios qu’ils payent leurs impôts en France.

Un studio européen comme Rockstar North, responsable de la série Grand Theft Auto (GTA) n’est en revanche pas concerné, car il dépend de capitaux extra-européens (l’entreprise américaine TakeTwo Interactive) et ne possède pas de studio de développement en France.

« Le Pass culture ne proposera que des jeux non violents »

PLUTÔT FAUX

Concernant les jeux violents, CIJV et FAJV disent exactement la même chose : seuls les jeux comportant des séquences « de très grande violence » sont écartés.

Le CNC a en effet établi cinq critères permettant de juger du degré de violence d’un jeu : ceux remplissant quatre voire cinq de ces critères sont exclus des aides. La « gratuité » de la violence, son caractère « cru », « incontournable », le fait qu’elle soit « encouragée » ou « quantitativement accentuée » sont les cinq données prises en compte. Aussi, même un très hypothétique GTA développé en France ne pourrait probablement pas être proposé dans le cadre du Pass culture.

Les jeux comprenant des séquences pornographiques sont quant à eux systématiquement écartés.

« Les jeux vidéo du Pass culture sont payés par le contribuable »

FAUX

Durant la phase d’expérimentation, qui devrait durer de cinq à six mois, les développeurs et éditeurs souhaitant proposer leurs jeux en téléchargement ne recevront pas un centime.

On peut même imaginer que certains y mettent de leur poche : générer une « clé », c’est-à-dire un code à usage unique permettant de télécharger un jeu, n’est pas gratuit sur toutes les plateformes. Chez Nintendo par exemple, un créateur qui souhaite distribuer, même gratuitement, un exemplaire de son jeu, doit payer quelques euros au consolier japonais.

Interrogé par Le Monde, Julien Villedieu, délégué général du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV), estime qu’il s’agit de « jouer le jeu », parce que « le jeu vidéo devait absolument figurer dans l’offre du Pass culture ». Il n’exclut cependant pas que les modalités du partenariat entre les développeurs de jeux vidéo français et le ministère de la culture soient réévaluées à l’issue de la période d’expérimentation.