Une première « victoire » sur le terrain juridique. C’est ainsi que l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), second syndicat étudiant, salue la décision du tribunal administratif de la Guadeloupe, qui lui a été communiquée mardi 5 février.

Saisi par l’organisation à la suite du refus de l’université des Antilles de rendre publics les algorithmes locaux utilisés pour classer les candidats, le juge administratif a tranché en sa faveur. Dans une décision que Le Monde a pu consulter, le tribunal enjoint l’université à obtempérer dans un délai d’un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Elle devra communiquer « les procédés algorithmiques utilisés dans le cadre du traitement des candidatures d’entrée en licence via la plateforme Parcoursup, ainsi que le ou les codes sources correspondants », peut-on lire dans ce jugement daté du 4 février.

Cette première jurisprudence intervient alors qu’un bras de fer est engagé depuis de longs mois entre plusieurs opposants à la réforme Parcoursup – la nouvelle plateforme d’admission post-bac déployée en 2018 – et le ministère de l’enseignement supérieur, autour des critères mis en œuvre par chaque licence universitaire, désormais appelée à classer les candidatures des lycéens après examen du dossier scolaire.

« Secret des délibérations »

Si les lycéens ont accès aux « attendus » pour accéder aux formations (les prérequis) et au type de critères de sélection pris en compte (notes, lettre de motivation, CV, attestation extrascolaire…), le gouvernement a jusqu’ici placé sous le sceau du « secret des délibérations » les paramétrages décidés par chaque commission d’examen des vœux, malgré des demandes récurrentes, notamment de syndicats étudiants, de voir ces informations rendues publiques. Une position en faveur de la souveraineté des jurys défendue également par la conférence des présidents d’université.

Le tribunal de Basse-Terre a décidé pour sa part d’écarter cet argument du « secret ». « Contrairement à ce que soutient l’université des Antilles, la communication à l’UNEF des traitements algorithmiques sollicités ne porte pas atteinte au secret des délibérations, protégé par l’article 612-3 du code de l’éducation, estime la juridiction administrative, puisque cette communication ne portera que sur la nature des critères pris en compte pour l’examen des candidatures, leur pondération et leur hiérarchisation, et non sur l’appréciation portée par la commission sur les mérites de chacune de ces candidatures. »

Deux semaines plus tôt, le Défenseur des droits Jacques Toubon a déjà tranché en ce sens, en demandant au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de rendre publiques toutes les informations relatives au traitement, y compris algorithmique, et à l’évaluation des dossiers des candidats par les commissions locales des établissements. « La plateforme en tant que telle est extrêmement transparente », avait réagi la ministre Frédérique Vidal, sur France 2, en insistant sur le fait que « les critères d’analyse des dossiers sont en ligne ».

« Créer un contentieux de masse »

« Les candidats ont le droit de connaître précisément comment ils sont sélectionnés : quels critères précis sont utilisés ? Comment sont-ils pondérés ? Comment sont-ils hiérarchisés ? », défend Mélanie Luce, qui va prendre dans quelques jours la présidence de l’UNEF. Elle espère de futures décisions de la justice administrative en ce sens si le ministère ne cède pas. Le syndicat étudiant s’est engouffré dans la brèche judiciaire en effectuant quelque soixante-dix recours devant les tribunaux administratifs contre les universités afin de « créer un contentieux de masse ».

Le temps presse : depuis le 22 janvier, les centaines de milliers de lycéens de terminale et d’étudiants en réorientation peuvent s’inscrire et formuler leurs premiers vœux d’orientation sur Parcoursup pour la prochaine rentrée.

Pour l’organisation étudiante, cette transparence permettra aussi de savoir dans quelle mesure des éléments comme le lycée d’origine du candidat, ou sa série de baccalauréat, ont été pris en compte, alors que la première année de Parcoursup a été marquée par les accusations de discriminations portées par des lycéens de banlieue parisienne envers la plate-forme et sa sélection.

En parallèle, le sénateur communiste des Hauts-de-Seine Pierre Ouzoulias a lui aussi interpellé une vingtaine d’universités pour qu’elles rendent publics leurs « algorithmes locaux ». En vain. « Nous avons reçu des courriers types de refus, rédigés par la direction juridique du ministère, déplore le parlementaire. Il y a une forme d’obstruction qui est insupportable, dans un processus qui ne cesse d’être défendu par le gouvernement comme le plus transparent qui soit, alors qu’on nous refuse l’essentiel : comment se fait la sélection. »

Parcoursup : les dessous de l'algorithme
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Images : Universcience.tv