Sida, tuberculose et paludisme : ces pandémies qui résistent au Fonds mondial
Sida, tuberculose et paludisme : ces pandémies qui résistent au Fonds mondial
Le Monde.fr avec AFP
La stagnation de l’aide internationale et le développement de formes de maladies résistantes aux médicaments pourraient mettre à mal les progrès réalisés.
Une femme souffrant de tuberculose rachidienne dans le camp de déplacés de Mahad, au Soudan du Sud, en avril 2018. / STEFANIE GLINSKI / AFP
La lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme doit être intensifiée si la communauté internationale veut réaliser son objectif d’éliminer ces trois pandémies à l’horizon 2030, avertit le dirigeant du Fonds mondial dans un entretien à l’AFP.
« Pour dire les choses franchement, nous ne sommes pas sur la bonne trajectoire pour accomplir cette ambition », déclare Peter Sands, directeur exécutif du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, lors d’une rencontre avec des journalistes à New Delhi. La capitale indienne accueille, vendredi 8 février, une réunion préparatoire de la prochaine conférence triennale de financement du Fonds mondial, qui se déroulera à Lyon en octobre.
Le combat contre ces trois maladies emblématiques a déjà engrangé des succès remarquables. Le nombre de décès dus au sida et au paludisme a diminué environ de moitié depuis le début du siècle. La tuberculose, aujourd’hui maladie infectieuse la plus meurtrière dans le monde avec 1,3 million de décès par an (hors co-infections par le VIH), faisait en 2016 autour de 20 % de morts en moins qu’en 2000.
Un taux de mortalité comparable à celui d’Ebola
Mais ces avancées restent encore trop modestes au regard de l’objectif d’élimination de ces épidémies d’ici à 2030 qu’a fixé l’ONU : « Si vous comparez la courbe en termes de nouvelles infections et de décès par rapport à celle que nous devrions avoir, nous devons accélérer le mouvement », prévient Peter Sands, arrivé l’année dernière à la tête de l’organisation. Les risques de relâchement des autorités sanitaires, la stagnation de l’aide internationale allouée à la santé et le développement de formes de maladies résistantes aux médicaments pourraient mettre à mal les progrès réalisés et font redouter un rebond des épidémies.
Créé en 2002 comme un partenariat entre pouvoirs publics, société civile, secteur privé et malades, le Fonds mondial s’inquiète notamment des cas de tuberculose résistante aux antimicrobiens, estimés à 600 000 à travers le monde. La tuberculose multirésistante, porteuse d’un taux de mortalité de 50 % comparable à celui d’Ebola, n’est diagnostiquée que dans un quart des cas et est extrêmement difficile à contenir et à soigner. Pour M. Sands, c’est l’une des menaces actuelles les plus pressantes pour la sécurité sanitaire mondiale.
Dans ce contexte, le Fonds mondial vise une levée de fonds de 14 milliards de dollars (environ 12,3 milliards d’euros) pour la période 2020-2022, soit 1,8 milliard de plus que la somme qu’il avait récoltée pour 2017-2019. Un budget que des ONG critiquent comme étant nettement insuffisant.
En Afrique, un partenariat avec Coca-Cola
Dans son action, l’organisation a pour particularité de nouer des partenariats avec des sociétés privées qui vont au-delà du simple don, notamment en Afrique subsaharienne, où sont concentrés les deux tiers de ses investissements. La multinationale Unilever utilise ainsi la réputation de sa marque de produits hygiéniques Dove pour faire de la prévention du VIH auprès des adolescentes et jeunes femmes en Afrique du Sud, populations les plus vulnérables au virus.
Dans plusieurs nations africaines, le Fonds mondial se sert également de la puissance et de l’expérience du réseau de distribution du géant de la boisson Coca-Cola pour apporter des médicaments à des cliniques isolées. « Dans les endroits reculés de la plupart des pays, vous pouvez trouver un Coca-Cola, n’est-ce pas ? Utiliser leurs camions, leur chaîne d’approvisionnement, nous aide à transporter des médicaments à des endroits où les gens en ont besoin », explique M. Sands.
Des collaborations plutôt originales dans ce milieu : « Le partenariat avec le secteur privé n’est pas forcément naturel pour les acteurs de la santé mondiale. Il y a beaucoup de méfiance et d’incompréhension » entre les deux, reconnaît Peter Sands, lui-même ancien PDG la banque britannique Standard Chartered.