Au Sénégal, un ralliement qui pourrait bouleverser la présidentielle du 24 février
Au Sénégal, un ralliement qui pourrait bouleverser la présidentielle du 24 février
Par Matteo Maillard (Dakar, correspondance)
Le soutien de l’ex-maire de Dakar, Khalifa Sall, à l’opposant Idrissa Seck pourrait rebattre les cartes de l’élection présidentielle du 24 février.
Affiche de campagne d’Idrissa Seck, président du parti Rewmi et candidat à l’élection présidentielle du 24 février. Dakar, 4 février 2019. / AFP / SEYLLOU / SEYLLOU / AFP
A deux semaines de l’élection présidentielle sénégalaise, Khalifa Sall, le principal opposant politique, vient de faire un choix qui pourrait bien bouleverser un scrutin que l’on annonce acquis à Macky Sall, président sortant et candidat à sa réélection. Incarcéré depuis mars 2017 et écarté de l’élection suite à une condamnation pour « escroquerie portant sur les deniers publics », Khalifa Sall a choisi de soutenir, vendredi 8 février, le candidat de l’opposition Idrissa Seck.
C’est par voie de communiqué que l’ancien maire de Dakar, la capitale, s’est prononcé en faveur du chef du parti Rewmi, dont la coalition Idy2019 a déjà engrangé le plus de soutiens dans l’opposition. « Ensemble, nous avons décidé de sceller un partenariat fondé sur un engagement commun de rupture et de refondation de la gouvernance institutionnelle, démocratique, économique et sociale (…) pour un Sénégal de paix, de progrès, de liberté, de justice sociale et de solidarité », a-t-il annoncé.
Perçu par de nombreux électeurs comme le challenger le plus à même de battre le président sortant, Khalifa Sall a vu ses espoirs déçus le 20 janvier, lorsque le Conseil constitutionnel a invalidé son dossier de candidature à cause de sa condamnation. Dans les rangs du leader de la coalition Taxawu Senegaal, on n’a cessé de dénoncer un procès politique téléguidé par le pouvoir afin d’éliminer un adversaire dangereux. Ce que la présidence a toujours nié, assurant de l’indépendance de la justice.
« Confusion des pouvoirs »
Ce qui a déclenché l’annonce du soutien de Khalifa Sall à Idrissa Seck ce vendredi est la décision rendue le matin même par la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Cette dernière a débouté les demandes des avocats de Khalifa Sall en faveur d’un report de la présidentielle du 24 février.
« Nous sommes arrivés à un stade qui exige que l’on mette fin à cette confusion des pouvoirs, cette perversion des lois et des valeurs républicaines, a confié au Monde Afrique, Babacar Thioye Ba, directeur de cabinet de Khalifa Sall. Les institutions sont détournées pour servir le projet politique d’un homme, Macky Sall, et les juges rivalisent en soumission, mettant en danger notre démocratie. »
Libéral convaincu, Idrissa Seck est pourtant bien éloigné du socialisme défendu par l’ancien maire de Dakar. « Nous l’avons choisi car c’est le candidat qui a le plus de chances. Les derniers sondages le portent à 15 % d’intentions de vote, explique un proche de Khalifa Sall. Ce n’est pas un choix idéologique mais programmatique et objectif. » Les deux figures de l’opposition devraient dévoiler prochainement un accord prévoyant des mesures sociales à même d’assurer ce rapprochement entre libéraux et socialistes.
« Tout sauf Macky »
Mais le but avoué est clair : faire front commun contre un président-candidat qui annonce régulièrement sa réélection dès le premier tour. « Notre finalité, c’est tout sauf Macky », poursuit notre interlocuteur. Les forces logistiques, financières et humaines de la campagne de Khalifa Sall seront donc mises à contribution pour soutenir M. Seck.
Depuis sa cellule, Khalifa Sall devrait recevoir, en début de semaine prochaine, Abdoulaye Wade, ancien président du Sénégal (2000-2012) et figure de la vie politique sénégalaise. Longtemps mentor de Macky Sall, Abdoulaye Wade est devenu son adversaire le plus féroce depuis que son fils, Karim Wade, lui aussi candidat à la présidentielle de 2019, s’est vu évincé des listes électorales à cause de son passé judiciaire. Rentré au pays le 7 février, Abdoulaye Wade a exhorté ses soutiens encore nombreux à boycotter l’élection. Une décision sur laquelle Khalifa Sall lui demandera sans doute de revenir en vue de soutenir M.Seck et ainsi faire échouer le plan de réélection de Macky Sall.