Thaïlande : la princesse Ubolratana et le crime de lèse-majesté
Thaïlande : la princesse Ubolratana et le crime de lèse-majesté
Le Monde.fr avec AFP
La sœur aînée du roi a annoncé sa candidature au poste de premier ministre, dans un pays où critiquer le roi, la reine, l’héritier ou le régent conduit souvent en prison.
Le palais a condamné vendredi soir l’entrée en politique de la princesse Ubolratana : « La reine, l’héritier et les membres de la famille royale sont censés être au-dessus de la politique et ne peuvent pas occuper de fonction politique car ce serait en contradiction avec la Constitution », dit un communiqué de « La Gazette royale » diffusé à la télévision. / AP
En Thaïlande, on ne critique pas Maha Vajiralongkorn, le roi, pas plus que la reine, l’héritier ou le régent, sous peine de finir en prison. La « section 112 » du code pénal punit de trois à quinze ans de prison toute personne reconnue coupable de lèse-majesté.
Mais sera-t-il possible de critiquer la princesse Ubolratana, sœur aînée du roi de Thaïlande, qui a annoncé vendredi sa candidature au poste de premier ministre à l’issue des élections de mars ? Rien n’est moins sûr.
Depuis le coup d’Etat de mai 2014, le texte a été très largement interprété par les autorités thaïlandaises, créant « un climat de peur » au sein de la société où personne ne critique jamais publiquement aucun membre de la famille royale, note Sunai Phasuk, de l’ONG Human Rights Watch.
Censure renforcée depuis 2014
Les personnes accusées de lèse-majesté sont poursuivies devant les tribunaux militaires devant lesquels aucun appel n’est donc possible. Une « cyberpatrouille » de fonctionnaires, renforcée après le coup d’Etat de 2014, piste les internautes tandis que des groupes ultraroyalistes surveillent Internet de façon non officielle, notamment « The Garbage Collection Organisation » qui traque les détracteurs de la monarchie.
Les poursuites se sont multipliées et de nombreux intellectuels et organisations estiment que ces affaires sont souvent politiques : un grand nombre d’accusés ont des liens avec le mouvement des « chemises rouges », partisan de l’ex-premier ministre en exil Thaksin Shinawatra. S’il n’y a pas de chiffres officiels, d’après l’ONG de défense des droits de l’homme iLaw, 95 personnes ont été poursuivies pour lèse-majesté depuis mai 2014 et une trentaine sont incarcérées. Avant le coup d’Etat, six personnes étaient derrière les barreaux.
Toutefois, depuis l’arrivée du roi Maha Vajiralongkorn, qui a remplacé son père mort en 2016, la situation semble s’améliorer. Les charges pour « lèse-majesté » pesant sur six jeunes Thaïlandais, accusés d’avoir incendié des portraits de la famille royale, ont ainsi été levées. Ils risquent tout de même une lourde peine de prison car ils sont poursuivis pour d’autres infractions.
L’autocensure des médias et experts politiques couvrant la campagne de la princesse sera donc forte, prédisent des experts… Si tant est qu’elle puisse jamais entrer en campagne. Le palais a condamné vendredi soir son entrée en politique : « La reine, l’héritier et les membres de la famille royale sont censés être au-dessus de la politique et ne peuvent pas occuper de fonction politique car ce serait en contradiction avec la Constitution », dit un communiqué de La Gazette royale diffusé à la télévision.