Algérie : le président Abdelaziz Bouteflika officiellement candidat à un cinquième mandat
Algérie : le président Abdelaziz Bouteflika officiellement candidat à un cinquième mandat
Par Amir Akef (Alger, correspondance)
Le chef de l’Etat, au pouvoir depuis 1999, se présentera à l’élection présidentielle du 18 avril, malgré son état de santé.
Le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, le 23 novembre 2017. / RYAD KRAMDI / AFP
Abdelaziz Bouteflika, 81 ans, sera donc bien candidat à un cinquième mandat lors de l’élection présidentielle du 18 avril. L’annonce a été faite, dimanche 10 février, par l’agence de presse officielle (APS) algérienne. Cette dernière indique que le chef de l’Etat sortant a annoncé sa candidature dans un message à la nation qui sera diffusé ultérieurement dans la journée.
Peu de doutes subsistaient sur les intentions du président. Samedi 9 février, à La Coupole, la grande salle omnisports sur les hauteurs d’Alger, le FLN [Front de libération nationale, ex-parti unique] avait, lors d’un grand meeting, indiqué que M. Bouteflika serait le candidat du parti en avril. Mouad Bouchareb, président de l’Assemblée nationale et coordinateur du FLN, y a prononcé un discours hagiographique sur « les réalisations » du chef de l’Etat, avant d’appeler les militants du parti à se préparer pour la campagne électorale. C’est donc un président absent et inaudible qui est désormais candidat à sa propre succession.
Affaibli depuis un AVC en 2013
Il y a encore quelques semaines, certains Algériens s’accrochaient à l’idée que la raison finirait par l’emporter et qu’une telle candidature serait évitée. Au pouvoir depuis 1999, le chef de l’Etat sortant, 81 ans, est très affaibli depuis un accident vasculaire cérébral en 2013 et ne s’est plus adressé publiquement à la population. Mais l’armée algérienne, dont le poids est décisif, a signifié à maintes reprises par la voix de son chef d’état-major, le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, son refus d’intervenir pour empêcher un cinquième mandat.
Le 2 février, les dirigeants des partis du pouvoir − le FLN, le Rassemblement national démocratique (RND), le Mouvement populaire algérien (MPA) et le Tadjamoue Amel El Djazair (TAJ) − avaient annoncé que M. Bouteflika serait leur candidat au scrutin d’avril. Dans le plus pur style des discours des partis uniques, occultant totalement l’état de santé du chef de l’Etat, les quatre formations ont expliqué choisir Abdelaziz Bouteflika « en signe de reconnaissance des acquis importants que l’Algérie a réalisés sous sa direction et en soutien à son programme ambitieux de réformes et de développement pour une Algérie épanouie, unie, solide et réconciliée ».
Une proposition de report de l’élection rejetée
Signe toutefois de l’inconfort représenté par la perspective d’un cinquième mandat, l’idée d’une prolongation « consensuelle » du mandat du président et d’un report de l’échéance électorale a été discutée au sein du pouvoir. Le but était d’éviter de revivre la campagne de 2014 qui avait été menée avec un candidat absent, incapable de s’adresser aux électeurs. L’option du report, intenable sur le plan constitutionnel, a finalement été rejetée.
Le Mouvement de la société pour la paix (MSP, islamiste), auteur de l’offre de report et dont le chef Abderrazak Makri est candidat à la présidentielle, a expliqué que le président n’est « pas en mesure de continuer à gouverner en raison de la nature de sa maladie », poursuivant : sa candidature « n’est pas dans son intérêt, mais dans celui de ceux qui tirent profit de cette situation. Ils assumeront l’entière responsabilité de ce qui découlera (…) et des dangers qui menacent le pays ».
Le seul danger politique immédiat dans un pays où les villes sont quadrillées par les services de sécurité est celui d’un éventuel débordement de rue. Le premier ministre, Ahmed Ouyahia, a pris soin à cet effet d’envoyer un message menaçant ceux qui appellent au boycott. Ces derniers doivent demander l’autorisation d’organiser des réunions − le plus souvent rejetée − dans des salles mais « ils ne feront pas sortir le peuple dans la rue. Nous les empêcherons de maîtriser la rue ou de créer de l’anarchie », a prévenu M. Ouyahia.
L’opposition affaiblie et émiettée
Pour l’heure, la menace de la rue reste très virtuelle. Dans les rangs des boycotteurs, incarnés par le mouvement Mouwatana (« citoyenneté-démocratie »), des fissures apparaissent à l’approche de l’élection. Zoubida Assoul, porte-parole du mouvement, a choisi avec son petit parti, l’Union pour le changement et le progrès (UPC), de soutenir la candidature du général-major à la retraite Ali Ghediri.
Une situation qui illustre le dilemme de l’opposition algérienne, affaiblie et émiettée, oscillant entre l’idée de boycotter une élection jouée d’avance et celle de soutenir un candidat. Le RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie) et le FFS (Front des forces socialistes) ont appelé au boycott du scrutin. Très tardivement, Abdallah Djaballah, du parti Adala (islamiste) a appelé à une « candidature unique de l’opposition » qui a peu de chance d’être acceptée.
Plus de 180 dossiers de candidatures ont été retirés au ministère de l’intérieur mais seuls quelques-uns pourront passer l’épreuve de la collecte des 600 signatures d’élus locaux ou de 60 000 électeurs nécessaire à la validation de toute candidature. L’islamiste Abderrezak Makri ne devrait pas avoir de difficultés à être dans la course. Ali Benflis, ancien chef du gouvernement, et deux fois candidat face à Abdelaziz Bouteflika en 2004 et en 2014, va devoir trancher. Il pourrait choisir de se retirer, laissant ainsi le rôle de principal adversaire à Ali Ghediri, qui a obtenu le ralliement, encore timide, de quelques figures de l’opposition.