« La Minerve », qui disparut avec ses 52 hommes d’équipage le 27 janvier 1968 au large de Toulon, pris en photo à quai dans le port de Marseille, le 1er janvier 1965. / AFP

Il fallait, chose étrange, que ce bateau soit nommé le Pourquoi pas ? Pourquoi ne pas se laisser aller à espérer, enfin, trouver au fond de la Méditerranée le cercueil d’acier des 52 marins du sous-marin d’attaque La Minerve, disparu le 27 janvier 1968 au large de Toulon ? On recherche La Minerve, après cinquante ans de silence. Dans la nuit du 7 au 8 février, le Pourquoi pas ?, un bateau de l’Ifremer équipé d’un sondeur, a effectué les repérages préalables de la zone du naufrage.

Ce tout premier balayage des fonds est « un point de non-retour » pour aller au bout d’une quête tant attendue, salue Hervé Fauve, le fils du commandant du sous-marin. Avec Christophe Agnus, le fils de l’officier mécanicien du navire, cet homme patient a réussi à casser le silence de la marine sur ce drame.

Après avoir obtenu d’Emmanuel Macron la déclassification du dossier, les familles ont interpellé la ministre des armées, Florence Parly, fin 2018 : d’énormes moyens venaient d’être mobilisés avec succès pour retrouver les débris du San Juan argentin, un sous-marin presque semblable de 60 mètres qui avait sombré un an plus tôt, comment comprendre que la France ne recherchait pas sa Minerve ?

Le programme des recherches a été rendu public, mercredi 13 février, par la marine nationale, après avoir été présenté aux familles lundi 11. La Minerve, après avoir implosé à la suite d’une avarie, pourrait reposer à 2 250 mètres de profondeur. En 1970, trois lieux possibles, les plus probables, ont été identifiés grâce aux calculs du laboratoire de détection géophysique du professeur Yves André Rocard.

Drone

En 2019, on ira en priorité chercher à 20 kilomètres du cap Sicié, dans une zone de 283 kilomètres carrés, où les fonds sont plats, composés de vase et de sable. La position privilégiée de La Minerve se situe au point 42º 52 Nord/05º 47 Est. Les opérations seront réalisées avec les moyens de l’Ifremer et du service hydrographique de la marine, à qui le ministère a ordonné de modifier leur programme.

Retrouver une épave entière d’emblée relèverait du miracle, conviennent les spécialistes de ces deux organismes. Après le premier balayage grossier des aspérités du fond suivra donc une deuxième phase, durant tout le mois de juillet.

Un drone de grande profondeur, opéré depuis un navire, va quadriller les zones pré-sélectionnées. L’engin pourra plonger jusque 2 850 mètres, et se positionner à 40 mètres du sol, balayant un kilomètre carré par heure pour repérer des objets avec une résolution de l’ordre d’un mètre. C’est avec un drone semblable qu’a été retrouvé le San Juan. « Le San Juan est vraiment le cas de référence », explique le capitaine de corvette Olivier Boumezane, « on espère retrouver comme ce fut le cas pour lui des débris de 10, 20 ou 30 mètres. Une hélice, un compartiment intact, des tubes lance-torpilles ».

Cinq millions d’euros

Un autre drone piloté à distance pourra sonder la vase jusqu’à 70 mètres de profondeur, si des indices laissent penser qu’une épave se trouve enfouie dans les sédiments. L’utilisation de ces engins exige une mer calme, c’est pourquoi la marine attend l’été pour ces opérations.

Ces résultats collectés, puis traités, permettront de lancer une troisième et dernière phase de recherche, prévue entre le 18 novembre et le 18 décembre. Le Nautile, sous-marin habité de l’Ifremer capable de rester six heures au fond de la mer, ira investiguer les lieux où auront été enregistrés les échos les plus probants, pour prendre des photos et ainsi identifier formellement le sous-marin.

De 1968 à 1970, faute de technologie, les recherches avaient consisté en de grossières campagnes de grenadage. Aujourd’hui, d’importants moyens sont mis en œuvre dont certains n’existaient pas il y a dix ans. Hervé Fauve, qui avait étudié une opération privée, avait évalué le budget nécessaire à cinq millions d’euros. Le porte-parole de la marine insiste sur le fait qu’elle va agir « avec beaucoup d’humilité », sans certitude d’aboutir.