La demande de « compassion » d’une femme de djihadiste britannique
La demande de « compassion » d’une femme de djihadiste britannique
Par Philippe Bernard (Londres, correspondant)
Depuis le camp de Al-Hawl, en Syrie, où elle vient d’accoucher, Shamina Begum, partie rejoindre l’EI en 2015, demande de pouvoir rentrer au Royaume-Uni. Son cas divise le pays.
Photo de Shamina Begum provenant des autorités britanniques, parue dans le Times le 14 février 2019. / AP
En février 2015, la photo des trois collégiennes de Bethnal Green (Est londonien) franchissant les contrôles de l’aéroport de Gatwick en direction d’Istanbul puis de la Syrie avait fait le tour du monde, symbolisant la force d’attraction de l’organisation Etat islamique (EI). L’une des jeunes filles, Shamima Begum, âgée à l’époque de 15 ans, personnifie aujourd’hui le dilemme des Etats européens à propos du retour des djihadistes et de leurs familles, depuis qu’elle a réclamé, dans un reportage du Times du 13 février, de rentrer dans sa famille à Londres.
« Je pense que les gens devraient avoir de la compassion pour moi, pour tout ce que j’ai vécu. Je ne savais pas dans quoi je m’embarquais quand je suis partie », a-t-elle déclaré dimanche 17 février à Skynews juste après avoir accouché de Jerah, son troisième enfant, au camp de réfugiés de Al-Hawl, dans le nord-est de la Syrie. Les deux premiers sont morts de maladie ou de malnutrition, selon son récit. La jeune femme dit ne pas savoir où se trouve le père du nouveau-né, le djihadiste néerlandais Yago Riedijk, 27 ans, qu’elle a épousé dix jours après être arrivée à Rakka, en 2015.
« Je ne le regrette pas »
Le Royaume-Uni oscille entre compassion et fermeté à propos du cas de Shamima Begum. « J’étais juste une femme au foyer, j’ai passé quatre ans à la maison, j’ai pris soin de mon mari, de mes enfants. Je n’ai jamais fait de propagande », a-t-elle assuré. En même temps, son refus d’exprimer le moindre regret pour avoir rejoint le djihad en Syrie, sa justification des exécutions par décapitation « autorisées par l’islam » et le fait qu’elle continue de dire « nous » en parlant de l’EI, trouble. « Je ne le regrette pas car cela m’a changée en tant que personne, cela m’a rendue plus forte, plus dure. Et j’ai épousé un homme que je n’aurais jamais rencontré au Royaume-Uni, témoigne-t-elle. Au début, c’était aussi bien que sur les vidéos. C’est devenu plus dur ensuite. Quand nous avons perdu Rakka, nous avons dû bouger sans cesse. »
Le ministre de l’intérieur britannique, Sajid Javid, a affirmé qu’il n’hésiterait pas à révoquer le passeport de la jeune femme et plus généralement à « empêcher » le retour de Britanniques ayant rejoint l’EI. Mais la déchéance de la nationalité ne peut être infligée à une personne qui n’en possède qu’une seule. « Les citoyens britanniques qui n’ont pas d’autre nationalité ont le droit de rentrer au Royaume-Uni, a assuré dimanche Jeremy Wright, ministre de la culture. Nous devons nous préoccuper de la santé de ce bébé et de celle de Shamima Begum, a-t-il ajouté. Mais elle devra répondre de ses actes. » Plus de 900 personnes ont quitté le Royaume-Uni pour combattre en Syrie. Parmi eux, une centaine de double nationaux ont déjà été déchus de leur nationalité britannique.