La ministre du travail, Muriel Pénicaud, le 14 février à Déols, dans l’Indre. / PHILIPPE WOJAZER / REUTERS

La partie semble perdue d’avance. Le patronat et les syndicats se réunissent mercredi 20 février pour tenter, une dernière fois, de rapprocher leurs vues sur la réforme de l’assurance-chômage voulue par l’exécutif. En cas d’échec – prévisible – des négociations, le gouvernement se substituera à eux pour rédiger son propre projet. Convoquée à 14 h 30, la réunion semble surtout destinée à déterminer qui va porter la responsabilité de l’échec de ces trois mois et demi de négociations.

  • Le gouvernement décidera par décret si la négociation échoue

La négociatrice de la CFDT, Marilyse Léon, a évalué mardi « à vue de nez à 5 % » la possibilité de parvenir à un accord. La réunion de mercredi sera, selon elle, « plus ou moins courte en fonction du comportement du patronat ». « C’est la dernière chance », a insisté mardi soir sur Europe 1 le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, qui a lui-même reconnu que c’était « mal parti ».

« S’ils n’aboutissent pas, eh bien ce sera à nous » de revoir les règles de l’assurance-chômage, a rappelé la ministre du travail, Muriel Pénicaud. Dans ce cas, le gouvernement « décidera par décret », a-t-elle précisé sur RMC et BFM-TV :

« Cela ne veut pas dire (…) qu’on ne concerte pas, qu’on ne discute pas avant. On laisse d’abord la chance aux partenaires sociaux et sinon on va (…) étudier toutes les possibilités mais oui, on prendra par décret les mesures qu’il faut pour (…) qu’il y ait moins de travail précaire dans notre pays. »
  • Le « bonus-malus » au cœur des désaccords

Les partenaires sociaux butent, encore et toujours, sur l’instauration d’un « bonus-malus » pour décourager les entreprises de recourir aux contrats courts (moins d’un mois) alors qu’un tiers des CDD ne durent qu’une journée. Ce dispositif est réclamé par les syndicats, forts des engagements d’Emmanuel Macron en ce sens. Mais il est catégoriquement rejeté par le patronat qui a tenté, jusqu’ici en vain, de convaincre les syndicats d’y renoncer.

Lors de la précédente réunion, le 14 février, les syndicats avaient rejeté les propositions avancées par le patronat, dont une prime de précarité pour les CDD dits d’usage utilisés massivement dans certains secteurs (hôtellerie-restauration, spectacle, services à la personne…).

Ils avaient également posé leur condition pour revenir négocier : avoir par écrit une proposition avec une « modulation » des cotisations chômage des entreprises, autrement dit… un mécanisme de type bonus-malus. Furieuse de cet ultimatum, la délégation patronale a répliqué lundi par communiqué qu’elle ne présenterait « en séance » que des propositions « alternatives au dispositif de bonus-malus », sans davantage de détails.

Le Medef, la CPME (petites entreprises) et l’U2P (artisans et commerçants) pourraient notamment proposer d’instaurer une contribution forfaitaire sur les contrats courts qui, via un fonds mutualisé, financerait des formations pour les salariés entre deux contrats, ou des complémentaires santé.

  • Crispations autour de la révision des règles d’indemnisation voulue par le patronat

Autre difficulté : le patronat entend d’abord discuter des économies exigées par le gouvernement, soit au minimum un milliard d’euros par an, par une révision des règles d’indemnisation. Il veut ainsi à la fois réduire l’endettement de l’Unédic (35 milliards d’euros) et inciter « au retour durable à l’emploi ».

Durcissement de l’accès à l’indemnisation, évolution du mode de calcul de l’allocation et de ses modalités de versement… les propositions patronales ne plaisent guère aux syndicats qui ne veulent pas « pénaliser les demandeurs d’emploi », et refusent d’en discuter avant d’avoir obtenu des avancées sur les contrats courts. Le seul intérêt commun des partenaires sociaux pour trouver un compromis serait de préserver la gestion paritaire de l’assurance-chômage, mais au sein du patronat certains disent n’y être pas plus attachés que cela.

« Ce serait perdant-perdant », a reconnu Jean-François Foucard (CFE-CGC). Ce syndicat de cadres craint notamment que le gouvernement veuille abaisser le plafond de l’allocation mensuelle, actuellement de 6 000 euros. Anticipant cette situation, la CFDT et le Medef ont déjà demandé la tenue d’une « réunion tripartite » au ministère du travail en cas d’échec de la négociation. Mme Pénicaud s’est dite mercredi disposée à leur donner « quelques jours supplémentaires » pour s’accorder.