Non, merci. Emmanuel Macron n’a pas envie de se glisser dans le survêtement de sélectionneur de Jacques Brunel. « Je vais essayer de minimiser le nombre de mes ennuis et me concentrer sur les responsabilités essentielles, et donc je ne veux pas reprendre » l’équipe de France de rugby a botté en touche le président de la République interpellé par le président du conseil départemental de l’Ariège, Henri Neyrou, lui demandant ce qu’il pouvait « faire pour le XV de France ».

Déjà bien occupé par les « gilets jaunes », son grand débat et l’affaire Benalla, Emmanuel Macron laisse la préparation du match contre l’Ecosse (samedi à 15 h 15 au Stade de France) à un Brunel groggy après la gifle reçue en Angleterre (44-8) le 10 février. Le Gersois n’est pas encore à ramasser à la cuillère de bois – hantise du rugby français en cas d’un grand chelem de défaites dans ce Tournoi des six nations – mais apparaît comme un technicien en souffrance et au bord du découragement.

Avec un bilan de dix défaites en treize matchs, il n’y a pas de quoi se friser la moustache. Alors tant qu’à être malheureux, autant vivre caché. Mardi, des bâches blanches ont été tirées pour masquer les terrains du centre d’entraînement de Marcoussis (Essonne) qui n’a jamais autant mérité son surnom de « Marcatraz ».

A l’abri des (rares) regards indiscrets, Jacques Brunel a couvé sa nouvelle et très jeune charnière composée d’Antoine Dupont et Romain Ntamack. Les demi de mêlée et ouvreur Toulousains prennent les commandes du jeu aux Clermontois Morgan Parra et Camille Lopez, pris en flagrant de paroles trop libres après le naufrage de Twickenham.

« C’est un choix sportif », assure pourtant le sélectionneur éreinté, avec son staff, par les deux joueurs de l’ASM à propos de sa préparation du « crunch », jugée trop approximative.

Un potentiel écossais limité

A bien y chercher, il existe quelques motifs d’espoir pour éviter une troisième défaite en autant de rencontres dans ce Tournoi. Et tant pis, si ces motifs viennent surtout des malheurs de l’Ecosse. Vu la sinistrose dans laquelle pataugent les coéquipiers de Guilhem Guirado, toutes les bonnes nouvelles sont bonnes à prendre.

Le mot « hécatombe » décrit assez bien l’état actuel des troupes du XV du Chardon. Depuis le début du Tournoi, le sélectionneur Gregor Townsend a perdu 20 joueurs sur blessures. Dès qu’il met un pied en dehors de son lit, l’ancien international apprend une mauvaise nouvelle.

Mercredi, son ouvreur (et celui du Racing 92) Finn Russell déclarait forfait, victime d’une commotion contre Toulouse le 17 février. Une absence qui s’ajoute à celle d’autres cadres comme le troisième-ligne Hamish Watson Ryan Wilson, le centre Huw Jones et l’arrière Stuart Hogg.

Plutôt que d’enfiler le costume d’infirmier de fortune, Townsend a essayé de positiver cette semaine. « Les blessures sont l’occasion pour les autres de se montrer. Au cours des deux dernières saisons, nous avons vu un certain nombre de joueurs s’améliorer », explique-t-il en rappelant la victoire probante contre l’Argentine (44-15) avec une équipe remaniée en juin 2018.

Mais le rugby français le sait trop bien lui-même, les joueurs de classe mondiale sont rares. Avec 38 500 licenciés (contre 281 000 pour la France en comparaison), l’Ecosse n’est pas assise sur un tas d’or. On ne trouve pas un nouveau Stuart Hogg – élu meilleur joueur du Tournoi en 2016 et 2017 – en tapant dans un chardon.

Stuart Hogg, le grand absent, côté écossais. / RUSSELL CHEYNE / REUTERS

« Pas tout changer à cause des blessures »

Pour autant, l’Ecosse ne s’avancera pas en kilt samedi. Elle possède un avantage non négligeable sur son adversaire : une cohérence de jeu. Concept étranger au rugby français. En poste depuis 2017, Grégor Townsend a prolongé le travail débuté par son prédécesseur, Vern Cotter, trois ans plus tôt.

Les Ecossais savent tenir et déplacer le ballon, même si le puissant Huw Jones risque de beaucoup manquer par sa capacité à casser les lignes adverses. « On ne va pas tout changer à cause des blessures, clame l’ailier Tommy Seymour. Nous avons un style de jeu auquel nous voulons adhérer. »

Et c’est d’autant plus facile que Glasgow et Edimbourg fournissent douze des quinze joueurs alignés samedi contre les Bleus. Afin de rationaliser son potentiel limité, le rugby écossais a réparti les tâches. Le club de la capitale donne les « gros » (six des huit avants évoluent à Edimbourg) et Glasgow s’occupe des arrières (cinq sur sept face à la France).

Une stratégie payante. L’ancien cancre des années 2000 occupe aujourd’hui la septième place du classement Word Rugby. Et malgré sa cascade de blessés, c’est à lui de tenir le discours du favori assurant ne pas prendre à la légère son prochain adversaire, dixième mondial en petite forme.

« La France est un adversaire très dangereux, alliant puissance, ambition et adresse, vante même Gregor Townsend. Leur talent individuel est remarquable lorsqu’ils réussissent à faire les choses correctement. » Toute la nuance figure dans la seconde partie de la phrase.