Six hommages à Karl Lagerfeld à revoir ce week-end
Six hommages à Karl Lagerfeld à revoir ce week-end
Chaque samedi, « La Matinale » propose un choix d’émissions à regarder en différé. Cette semaine, une sélection consacrée à la mort du directeur artistique de Chanel.
Karl Lagerfeld saluant les invités du défilé de sa collection de prêt-à-porter printemps/été de la maison Chanel, le 2 octobre 1012. / BENOIT TESSIER / REUTERS
LES CHOIX DE LA MATINALE
L’homme avait beau cultiver une discrétion toute protestante, il se laissait suivre, filmer, interviewer avec une facilité déconcertante. Les nombreux documentaires et émissions consacrés au couturier Karl Lagerfeld, mort mardi 19 février, rediffusés à la télévision cette semaine sont là pour en attester. Format court, long, intime ou plus « paillette », vous n’avez que l’embarras du choix.
Un « bon client » de la télévision
Karl Lagerfeld inteviewé par Yves Mourousi , en janvier 1972, sur TF1. / SAISIE D'ECRAN / INA.FR
A l’occasion de la mort du styliste, l’Institut national de l’audiovisuel (INA) propose sur son site Internet une collection de documents qui vont de l’extrait de journal télévisé à l’émission complète. On conseille cet extrait du JT d’Yves Mourousi en 1972 qui montre comment Karl déguise la garçonne Dani en vamp. Un petit moment vintage chic avec cet extrait de l’émission destinée aux femmes « Dim Dam Dom » où Karl expliquait, en 1968, sa conception des sous-vêtements. On pourra aussi se rafraîchir la mémoire avec cet autre extrait du journal télévisé, de France 2, en 2000, au moment où le nom de Karl Lagerfeld, en délicatesse avec le fisc français, était mêlé à l’Affaire Méry.
Le couturier fut aussi maintes fois l’invité de Thierry Ardisson comme dans l’émission « Lunettes noires pour nuits blanches » : dans cet extrait de 1990, on l’entend parler de l’Allemagne, récemment réunifiée, et mentir sur son âge en affirmant être né en 1938 (au lieu de 1933)… On goûtera aussi son sens de l’autodérision quand Ardisson évoque l’ascenseur pour la Bentley au garage : « Oui, mais pour monter, c’est elle ou moi, sinon il faudrait que je perde 15 kilos » (c’était bien avant le régime draconien du couturier).
Pour revoir le numéro de la série « Duel » de France 5, dévolu à la rivalité de Karl Lagerfeld et Yves Saint Laurent, anciens proches lancés en même temps dans la carrière puis fâchés à mort, il faut débourser 2,99 euros ou, pour le même tarif, s’abonner au site Ina.fr (premier mois remboursable). Renaud Machart
Documents en libre accès et payant sur Ina.fr
« Karl Lagerfeld se dessine » : portrait intime
Karl Lagerfeld, en janvier 2013. / GABRIEL BOUYS / AFP
« C’est bien de faire, ce n’est pas intéressant d’avoir fait. » Karl Lagerfeld a toujours refusé de conserver des archives de son travail. Quel dommage, quand on connaît la phénoménale puissance créatrice de ce dessinateur compulsif, que l’on voit pendant près d’une heure noircir des pages, puis les arracher et les jeter à ses pieds. Karl Lagerfeld se dessine, documentaire réalisé en 2012 par Loïc Prigent, le « M. Mode » du petit écran, vient souligner, s’il en est besoin, la perte immense que représente sa mort.
Pour rendre hommage au plus français des Allemands, Arte propose de (re)découvrir le maître en action, à son bureau devant un grand carnet de croquis vierge. Sous l’œil du documentariste, dont on entend hors champ la voix juvénile si reconnaissable demander s’il veut bien dessiner sa maison d’enfance, ses premières silhouettes, ou lui-même dans les années 1960, il s’exécute de bonne grâce, avec sérieux, application, gentillesse même.
Le trait est vif, précis et maîtrisé. En quelques coups de feutre noir, c’est toute une vie qui se déploie. Il croque la froideur de ses parents et de sa maison d’enfance, le manteau pour lequel il a gagné, très jeune, son premier prix, les silhouettes Balmain, Patou, son amant Jacques de Bascher, son appartement rue de l’Université, avec un luxe de détails stupéfiant.
Loin du bruissement des ateliers de couture et des défilés, ce film intimiste donne à voir un Lagerfeld prolixe, généreux et dont la passion pour les vêtements reste intacte après soixante ans de carrière. Le temps qui passe, voilà pourtant un sujet qui ne l’intéresse pas. Quand Prigent lui demande de dessiner où il voudrait être enterré, il sursaute. « Quelle horreur… Il faut disparaître. Quand c’est fini, c’est fini. » Audrey Fournier
« Karl Lagerfeld se dessine », documentaire de Loïc Prigent (France, 2012, 52 min). Disponible sur Arte.tv.
« Signé Chanel » : dans le secret des ateliers
A la fin du défilé Chanel à Paris, en mars 1984. / PIERRE GUILLAUD / AFP
De la mode, la télévision nous montre surtout les défilés de haute couture, ses mannequins aux mensurations impossibles et aux visages parfaits, vêtus de tenues destinées davantage à faire rêver qu’à être portées.
Signé Chanel, disponible en replay sur Arte.tv, nous emmène dans un autre univers, tout aussi fascinant mais beaucoup moins médiatisé, celui des couturières et artisans spécialisés, sans qui les plus beaux croquis resteraient à l’état d’esquisses.
En 2004, pendant plusieurs semaines, Loïc Prigent (encore lui !) a fureté, caméra à l’épaule, dans les couloirs et les ateliers de la prestigieuse maison Chanel, rue Cambon, à Paris, afin de nous en dévoiler les coulisses dans les moindres détails. Cette intrusion, faite avec la complicité des ouvrières et acceptée par le maître des lieux, Karl Lagerfeld, a donné lieu à un formidable feuilleton documentaire. On y admire l’extraordinaire travail effectué par une centaine de femmes maîtrisant à la perfection le piqué de galon, la broderie sur tulle ou la coupe en biais. Des premières planches, attendues avec autant d’impatience que d’appréhension – « Que peut-il bien nous réserver cette saison ? » – au défilé final en passant par la réalisation des modèles en tissu blanc sous le regard vigilant de « Madame Cécil, première d’atelier flou [par opposition à l’atelier “tailleur”] », ce sont finalement elles qui tiennent la vedette de ce film délicat et non dénué d’humour. Sylvie Kerviel
« Signé Chanel », documentaire français de Loïc Prigent (France, 2004, 5 x 26 min). Disponible sur Arte.tv.
« Un jour un destin » : un homme grave dans un monde léger
La princesse Caroline of Monaco et son mari Stefano Casiraghi avec Karl Lagerfeld (à droite) lors de Bal de la Rose à Monaco, le 16 mars 1985. / RALPH GATTI / AFP
« Karl est un homme seul ». Tous les témoins interrogés dans le cadre de ce numéro d’Un jour un destin consacré au créateur (amis, ancien assistant, voisin d’enfance même !) s’accordent sur un point : l’homme cultive depuis son plus jeune âge une solitude propice, selon lui, à la création. De façon étrange, ce culte de la solitude donne le ton aux 90 minutes de ce documentaire qui donne l’impression, à force d’interviews en forme de confessions (sauf du créateur lui-même), de vouloir percer un secret.
Le travaillomane aux « punchlines » bien senties et à la vie d’ascète était-il en fait un grand dépressif, marqué par l’indifférence de ses parents et par la mort précoce du grand amour de sa vie ? Nombreux sont ses proches à avoir un avis sur la question. Celui-ci ne forme heureusement pas l’essentiel de ce documentaire, qui a l’intérêt d’éclairer sur la formation intellectuelle et artistique de Karl Lagerfeld, autodidacte surdoué, de son enfance à son entrée chez Chanel. Au. F.
« Un jour un destin : Karl Lagerfeld, être et paraître », présenté par Laurent Delahousse (France, 80 min), disponible sur France.tv.fr
« 7 jours » : en immersion dans un défilé haute couture
Karl Lagerfeld lors du défilé Chanel, en juillet 2016. / FRANCOIS MORI / AP
Pour ceux qui manquent de temps, Netflix propose, dans le cadre de sa série documentaire « 7 jours », un épisode dédié à la semaine précédant un défilé Chanel printemps-été au Grand Palais. Ce format relativement court (45 minutes) a l’intérêt d’offrir une plongée, à un rythme trépidant, dans la préparation de l’événement « le plus attendu de la fashion week » et de mettre à l’honneur tous les métiers – couturiers, mannequins, décorateurs... – qui participent à la réussite de ce véritable spectacle.
Conçu et tourné en anglais pour un public international, le film adopte un point de vue pédagogique et s’adresse plutôt aux novices de la mode. Si l’on fait abstraction de la bande-son, insipide et omniprésente, ce documentaire représente une belle entrée en matière pour qui ignore tout des coulisses d’un défilé. Au. F.
« 7 jours : le défilé Chanel haute couture », réalisé par Andrew Rossi (Etats-Unis, 2018, 45 min), disponible à la demande sur Netflix
Bonus : Karl Lagerfeld au micro d’Augustin Trapenard
Pas envie d’allumer la télévision ? Mettez vos écouteurs pour trente minutes de conversation enregistrée, diffusées sur France Inter en septembre 2014, à l’occasion de la création du Karl Daily, un journal gratuit tout entier dédié au monde de Lagerfeld.
« Boomerang : Karl Lagerfeld », émission présentée par Augustin Trapenard, disponible en podcast sur iTunes et sur Franceinter.fr.