Zion Williamson, au sol, lors du match contre UNC, le 20 février, à Durham, en Caroline du Nord. / Gerry Broome / AP

Barack Obama était dans les gradins pour assister à la rencontre universitaire entre Duke et UNC, mercredi 20 février, mais un autre évènement est venu éclipser la venue de l’ancien président américain. Alors que le score était toujours de 0 à 0, et que Duke menait sa première attaque, la chaussure gauche de Zion Williamson a explosé, et le joueur de 18 ans s’est blessé au genou droit. Le match n’avait débuté que depuis 30 secondes, Duke venait de perdre sa star pour plusieurs rencontres. Et la polémique sur le sport universitaire américain pouvait à nouveau rebondir, comme à chaque printemps.

Zion Williamson Knee Injury vs UNC - Barack Obama Watch - 20/02/19
Durée : 01:16

Car si la blessure de Zion Williamson ne semble pas si grave, le gamin promis à un grand avenir en NBA (certains observateurs parlent du meilleur espoir depuis Anthony Davis, voire LeBron James) aurait pu voir sa carrière s’arrêter subitement. Et tirer un trait sur les millions de dollars de contrats promis par la NBA la saison prochaine. Car pour l’instant, Zion Williamson – comme tout autre joueur universitaire – n’a (officiellement) pas touché le moindre dollar pour ses exploits sur les parquets.

« One and Done »

Depuis 2006, pour intégrer la NBA, un joueur doit avoir 19 ans dans l’année. Or, les Américains finissent leurs quatre années de lycée à 18 ans. De nombreux joueurs, présentés comme de futures stars (Kyrie Irving, Ben Simmons, Anthony Davis, Kevin Durant…), ont pris part au système du « One and Done », soit une année en université à jouer pour certaines des plus prestigieuses équipes du pays en attendant de pouvoir intégrer la NBA.

Sauf que ce système n’arrange pas forcément les joueurs. En NCAA, le championnat universitaire, les joueurs sont amateurs. S’ils n’ont pas à payer les (souvent énormes) frais de scolarité, ils ne sont pas payés en retour pour leurs exploits sur les parquets. Ils n’ont d’ailleurs pas le droit de toucher le moindre centime (en contrats publicitaires, par exemple), et chaque dépense doit pouvoir être justifiée, comme le montre le documentaire centré sur Ben Simmons, particulièrement frustré de ne pas pouvoir intégrer la NBA dès ses 18 ans.

Ben Simmons: "The NCAA Is Really F**ked Up" - NBA The Jump
Durée : 13:57

« Les joueurs sont dans des conditions d’amateurisme total, expliquait Jacques Monclar dans l’émission NBA Extra de beIN Sports, le 22 février. Après, il y a le bingo pour certains. Mais, c’est un business fantastique pour les universités et la NCAA. C’est là où c’est malsain. »

Car les matches universitaires sont retransmis sur des chaînes nationales, les salles sont souvent pleines, les billets se revendent parfois une fortune, et les joueurs, qui en sont les principaux responsables, sont les seuls à ne pas toucher leur part du gâteau. Hormis les rares qui deviendront officiellement pros (en NBA, en G-League, en Europe ou en Chine), peu de joueurs tireront bénéfice de leur implication dans une équipe.

Une année et des millions de plus

Pour la NCAA, c’est un non-problème. Elle déploie d’ailleurs les arguments les plus risibles depuis des années pour ne pas payer (officiellement) les athlètes. De quoi amener certains observateurs à pousser Zion Williamson à ne plus mettre le pied sur des parquets universitaires, en attendant sa probable sélection à la première place de la prochaine draft, ce qui lui assurerait un avenir plus que confortable financièrement.

D’autres comme Luka Doncic ont conseillé aux joueurs d’aller faire leurs classes à l’étranger où ils peuvent être payés, en attendant leur sélection à la draft.

Mais comme l’expliquent Kevin O’Connor et Danny Chau, journalistes à The Ringer, cette année passée sur les parquets universitaires permet aux jeunes espoirs d’arriver plus prêts en NBA, et de probablement gagner quelques places à la draft, donc d’obtenir de meilleurs contrats.

« Zion Williamson était vu comme un joueur à highlights [moments forts], et pour lequel tout le monde se disait qu’il fallait voir ce qu’il donnerait dans un vrai match. Maintenant, il est quasiment assuré d’être un numéro un de draft, et probablement le plus bel espoir depuis Anthony Davis. Je pense que cette année à Duke l’a aidé. Financièrement, ça l’aide sur le court terme. S’il avait été drafté sixième ou septième, l’année dernière, son contrat n’aurait pas été le même. De presque 22 millions de dollars en quatre ans, il passe à 44 millions sur quatre ans. Il y gagne plus sur le court terme et sa valeur a grimpé en dehors des terrains. […] Lui et d’autres ont beaucoup à gagner à aller à l’université et à jouer. »

Zion et les autres

Invité du podcast d’Adrian Wojnarowski, le spécialiste de la draft Jonathan Givony expliquait que Zion Williamson a tiré d’extraordinaires bénéfices du fait de jouer avec les Blue Devils de Duke. En étant aussi exposé sur le plan national, il « peut encore récupérer beaucoup d’argent, à la draft et avec les sponsors. Il est passé d’un gars qui peut gagner un million de dollars lors de sa première année en NBA à 100, 125 millions. Il va peut-être devenir le rookie avec le plus gros contrat de sponsoring de l’histoire ».

Pour autant, ces points positifs ne devraient pas suffire à laisser la NCAA à continuer à réaliser des gigantesques profits aux dépends de jeunes joueurs : « Ne faisons pas comme s’il n’avait pas profité énormément du système en place, mais c’est nul qu’il ne puisse pas avoir sa part du gâteau », continue-t-il.

Dans la foulée de la blessure de Zion Williamson, la NBA a proposé au syndicat des joueurs d’abaisser l’âge d’éligibilité à la draft à 18 ans, permettant ainsi aux lycéens d’accéder directement à la meilleure ligue du monde (et la plus rémunératrice).

Si cela pourrait aider certains joueurs du niveau de Williamson à gagner de l’argent plus vite et à être rémunéré pour leur investissement, d’autres n’auront jamais cette chance. Si lui est quasiment assuré d’une place en NBA et de contrats à plusieurs millions de dollars, pour d’autres, l’expérience universitaire sera la dernière phase de leur carrière de basketteur. Et ils ne verront rien des millions récupérés sur leur dos, par la NCAA et les universités.