Malika El Aroud, le 26 mai 2003, au cours de son procès à Bruxelles. / LAURENCE DE VELLOU / AFP

Baptisée « la veuve noire du djihad », elle était devenue l’une des figures mondiales de l’islamisme radical après, notamment, que le New York Times lui avait consacré un long entretien, en 2008 : Malika El-Aroud, 60 ans, déjà privée de sa nationalité belge en novembre 2017 pour avoir été la dirigeante d’un groupe terroriste, a perdu son dernier recours, il y a quelques jours. Née à Tanger, elle pourra désormais être expulsée vers le Maroc, confirment les autorités gouvernementales belges.

La militante a été exclue du statut de réfugié par le Conseil du contentieux des étrangers (CCE). Les trois juges de cet organe administratif, seul compétent pour se prononcer sur une mesure d’éloignement et examiner des recours, ont estimé que Mme El-Aroud ne pouvait prétendre à une protection internationale, en vertu des principes de l’Organisation des nations unies (ONU). En décembre, le Commissariat aux réfugiés lui avait refusé le droit à bénéficier à nouveau de sa nationalité belge.

Condamnée en Suisse en 2007 pour diffusion de propagande djihadiste, elle avait écopé, en 2010, d’une peine de huit ans de prison, à Bruxelles. Elle était, à l’époque, reconnue coupable d’avoir dirigé une cellule de recrutement de combattants. Les juges du CCE ont mis en avant le fait qu’elle n’a jamais manifesté le moindre regret quant à son engagement et ses conséquences.

Discours radical

Les avocats de Mme El-Aroud, alias « Oum Hobeid », avaient, eux, plaidé le risque de mauvais traitements auxquels leur cliente serait exposée si elle est renvoyée au Maroc. La Belgique devra seulement vérifier si une expulsion vers ce pays est compatible avec l’interdiction de la torture consacrée par la convention européenne des droits de l’Homme, a indiqué le CCE.

La sympathisante d’Al Qaida jouissait d’une aura particulière dans la galaxie djihadiste pour son discours radical, son assurance face à ses juges et le fait qu’elle avait été mariée à deux combattants islamistes morts au combat. Les Tunisiens Moez Garsallaoui, un recruteur, et Abdessatar Dahmane, l’un des deux assassins du commandant afghan Ahmad Chah Massoud, leader de l’opposition aux talibans, en 2001. El Aroud désignait Massoud comme « le diable », « un mauvais musulman, l’ennemi d’Oussama Ben Laden ». « On était en guerre et il était légitime de le tuer », déclarait-elle en 2002.

La Belgo-Marocaine a vécu en Afghanistan où elle a côtoyé diverses figures d’Al Qaida, dont Nizar Trabelsi, un ex-footballeur arrêté en Belgique au lendemain du 11-Septembre, alors qu’il projetait de faire exploser une base américaine. La Belgique a, depuis, livré Trabelsi à la justice américaine.

« Mépris évident » pour l’Occident

Exfiltrée de Kaboul vers Bruxelles, jugée en 2003, « Oum Hobeid » allait toutefois être acquittée, le tribunal estimant que l’on ne pouvait prouver avec certitude sa complicité avec des groupes terroristes. Par la suite, elle allait cependant confirmer l’opinion de ses juges qui avaient souligné son « mépris évident » pour l’Occident. Elle a notamment attribué le 11-Septembre 2001 à « une œuvre des juifs » pour détourner l’attention du monde et « raser la Palestine ».

Prosélyte, auréolée d’un statut de « veuve de martyr », Malika El-Aroud a été aux commandes, en Suisse et en Belgique, du site Internet SOS Minbar, où elle a appelé à la guerre sainte. Elle a aussi collecté de l’argent pour la « cantine » de djihadistes emprisonnés et délivré des conseils divers, notamment à ceux qui voudraient rejoindre les rangs des combattants.

Lors de son procès à Bruxelles, en 2010, elle déclarait devant ses juges : « C’est la guerre. Depuis le XIVe siècle, nos frères et nos sœurs savent qu’ils doivent aller défendre leurs terres. Franchement, on devrait tous y aller. » Et quand le président du tribunal lui demandait qui était, dans ses écrits, les ennemis des musulmans qu’elle désignait comme « les chiens et les porcs », elle lâchait : « Je m’excuse auprès des animaux ».