Moins de plaquages, plus de plaisir : le rugby à 5 profite des malheurs du XV
Moins de plaquages, plus de plaisir : le rugby à 5 profite des malheurs du XV
Par Clément Argoud
Dans le contexte morose que traverse le rugby à XV, le rugby à 5, une discipline naissante où le plaquage est interdit, attire.
La section rugby de l'ACBB (Boulogne-Billancourt) compte une trentaine de licenciés « nouvelles pratiques » qui prennent part aux entraînements de rugby à 5. / Clément Argoud
« Plaque-le ! », s’époumone un joueur de l’Athletic Club de Boulogne-Billancourt (ACBB), hilare, sur le bord du terrain. Sur la pelouse, dix joueurs et joueuses seulement se passent le ballon ovale. Il s’agit d’un entraînement de rugby à 5 et non du traditionnel « XV ». La discipline, qui se joue sur un demi-terrain, présente une particularité, bien utile en cette période troublée pour le rugby à XV : il s’agit d’un rugby sans plaquage, mais à « toucher ».
Pour stopper un adversaire, « il faut venir le toucher des deux mains entre les épaules et le bassin », explique Jean-Baptiste Alnot, président de l’ACBB rugby, entraîneur et joueur de rugby à 5 après être passé, comme beaucoup, par le XV.
Au stade Le Gallo, Félix Burtman et sa petite sœur Lola sont venus assister à l’entraînement. Lui joue dans l’équipe à XV et est passé brièvement par le rugby à 5 pour reprendre et « toucher du ballon » après s’être « pété l’épaule ». Elle songe à s’inscrire pour jouer à moindre risque.
Dans la période que traverse le rugby à XV, endeuillé notamment par trois décès médiatisés en France en moins d’un an, ce rugby atraumatique se présente comme une alternative. Cette pratique entre également dans le cadre du sport santé : des sections de rugby à 5 dédiées à l’accueil de patients dans le cadre du sport sur ordonnance voient le jour.
World Rugby, la fédération internationale, vient d’annoncer la création en octobre du premier tournoi international de rugby X, une variante du rugby à 5 où le nombre de touches est limité. De quoi séduire de nouveaux publics et reconquérir les déçus du XV, alors que le rugby à 7 est aussi porté par son entrée en 2016 aux Jeux olympiques.
« Un bon compromis »
La section rugby de l'ACBB (Boulogne-Billancourt) compte une trentaine de licenciés Nouvelles Pratiques qui prennent part aux entraînements de rugby à 5. / Clément Argoud
Comme Edouard, la vingtaine, mince et grand et qui se « faisait découper » à XV. « J’appréhendais les contacts. Le rugby à V est un bon compromis. »
Pour accélérer le développement de cette discipline, la Ligue de rugby d’Ile-de-France a mis en place en 2014 une coupe régionale où les clubs s’affrontent dix week-ends par saison. La Ligue Ile-de-France fait figure de précurseur sur le plan national. « On compte 1 400 licenciés “nouvelles pratiques” [la licence permettant de jouer au rugby à 5] dans la région, et une croissance des effectifs à deux chiffres chaque saison », expose Claire Salitot, référente du rugby à 5 dans la région. Aujourd’hui, 83 clubs franciliens proposent du rugby à 5, soit plus de la moitié d’entre eux.
La moyenne d’âge des pratiquants est de 38 ans, car beaucoup viennent jouer au rugby à 5 après de longues saisons de « XV », lorsque le corps se fait moins apte à encaisser les coups et que les contraintes familiales et professionnelles s’additionnent. A l’image de Gaudérique Ballini, 46 ans, ancien joueur de troisième division en rugby à XV. Après dix ans de coupure, il trouve cela « très physique. On n’a pas du tout les mêmes appuis et les mêmes façons de jouer qu’à quinze. Pour moi, c’est compliqué en attaque, il faut savoir s’arrêter et ne pas rentrer dans les joueurs adverses ».
Compétitions mixtes
Un tiers des licenciés franciliens sont des femmes. En compétition, elles jouent au sein de la catégorie qui leur est réservée, mais aussi, particularité du « 5 », dans la catégorie mixte, qui nécessite la présence permanente de deux joueuses dans chaque équipe.
Sur le terrain de l’ACBB, l’entraînement est commun. « Les mecs jouent vraiment avec nous », assure Sandy Lenormand. Cette professeure de 37 ans a découvert le « 5 » grâce à une amie : elle n’avait « jamais touché un ballon ovale » et retrouve l’esprit collectif du handball, qu’elle a pratiqué durant ses jeunes années.
L’entraînement mené par Jean-Baptiste Alnot est très sérieux, et plus ou moins calqué sur une séance de « XV ». Après une partie physique et du travail sur le « cardio » suivent des exercices d’appui et des séquences de jeu. Mais l’état d’esprit est léger.
« Dans les tournois, on joue pour gagner, dit Sandy. Mais on est un groupe de copains, on mange toujours ensemble après l’entraînement, on s’entraide lors des déménagements des uns ou des autres, et l’été on va aux fêtes de Bayonne. » Ce qui vaut, à 5 ou à XV, brevet de joueur de rugby.