Assurance-chômage : l’hypothèse du bonus-malus clairement « sur la table »
Assurance-chômage : l’hypothèse du bonus-malus clairement « sur la table »
Par Bertrand Bissuel
Le gouvernement a donné mardi des précisions de calendrier et de méthode sur la suite de la réforme de l’assurance chômage, revenue entre les mains de l’exécutif après l’échec de la négociation entre les partenaires sociaux.
Pour transformer l’assurance-chômage, l’exécutif veut aller vite tout en ouvrant largement le débat. C’est, en substance, ce qu’ont annoncé le chef du gouvernement, Edouard Philippe, et la ministre du travail, Muriel Pénicaud, lors d’une conférence de presse, mardi 26 février. Les mesures, dont la teneur exacte reste à définir, feront l’objet d’un décret susceptible d’être publié au Journal officiel durant la deuxième quinzaine d’avril. Elles devraient être mises en œuvre pendant l’été – le calendrier n’étant pas encore précisément arrêté.
Ces indications ont été données six jours après l’échec des négociations entre les partenaires sociaux pour élaborer une nouvelle convention Unédic – le texte qui définit les règles applicables au régime d’indemnisation des chômeurs. Le patronat et les syndicats n’ayant pas réussi à trouver un accord, le gouvernement est aujourd’hui amené à prendre le relais. Un dossier que M. Philippe et Mme Pénicaud inscrivent dans le prolongement d’autres réformes pour améliorer le fonctionnement du marché de l’emploi : les ordonnances de septembre 2017, qui ont réécrit le code du travail, et la loi « avenir professionnel » de septembre 2018, qui a chamboulé l’apprentissage et la formation continue tout en apportant de premiers changements à l’assurance-chômage (avec, entre autres, son extension aux indépendants et aux salariés démissionnaires qui ont un nouveau projet de carrière).
Dans sa démarche, l’exécutif demeure fidèle aux orientations de la feuille de route que Matignon avait transmise en septembre 2018 aux organisations de salariés et d’employeurs pour cadrer leurs discussions. Ce document fixe plusieurs objectifs : combattre la précarité, répondre « aux besoins en compétences des entreprises » (certaines d’entre elles ayant de plus en plus de mal à recruter la main-d’œuvre qu’elles recherchent), réduire la dette du régime – qui a atteint 35 milliards d’euros à la fin du troisième trimestre 2018, etc.
Mardi, le gouvernement a également confirmé quelques-unes des pistes qu’il entend creuser. Premier axe : juguler l’inflation des contrats courts – ceux « d’un mois et moins » ayant été multipliés par 2,5 entre 2000 et 2016. Les CDD d’une telle durée concernent, à 80 %, des salariés qui sont réembauchés durablement par le même employeur – soit, au total 400 000 personnes. Pour stopper cette dérive, M. Philippe et Mme Pénicaud veulent « responsabiliser » les entreprises : après avoir obtenu un assouplissement du code du travail, celles-ci doivent maintenant renvoyer l’ascenseur et accorder des « contreparties », dans l’esprit de l’exécutif.
Modalités de calcul
L’hypothèse du bonus-malus est clairement « sur la table », a indiqué le premier ministre mardi. Cet instrument constitue « une solution » et « personne ne nous [en] a proposé à ce stade [de] meilleur », a complété M. Philippe. Inscrit dans le programme de campagne d’Emmanuel Macron, ce mécanisme majore les cotisations des sociétés où le personnel tourne fréquemment, et diminue celles des employeurs dont les effectifs sont stables. A ce stade, rien n’est arbitré mais le président de la République a, plusieurs fois, exprimé son intention de concrétiser cet engagement, le ministère du travail ayant, pour sa part, indiqué que le dispositif était prêt.
La réforme pourrait également se traduire par une remise en cause du niveau maximal de l’allocation-chômage (un peu plus de 6 600 euros net par mois). Mardi, M. Philippe a déclaré qu’il fallait « revoir » ces règles d’indemnisation pour les « salaires élevés ». Un scénario de nature à pénaliser les demandeurs d’emplois qui avaient une rémunération importante puisque l’allocation dépend des dernières fiches de paye : les cadres risqueraient donc d’être touchés. Le pouvoir en place étudie cette option en invoquant le fait que le plafond d’indemnisation en France est nettement plus haut que celui en vigueur chez nos voisins européens.
Enfin, les modalités de calcul et d’octroi de la prestation devraient être reconsidérées, car l’exécutif considère qu’elles n’incitent pas, dans certaines situations, à accepter un poste, dans la durée. Sont notamment dans le collimateur les règles permettant de cumuler un salaire et une allocation. « Une personne qui travaille à mi-temps au smic perçoit un salaire de 740 euros par mois. Mais si elle alterne quinze jours de chômage et quinze jours de travail dans un mois, elle percevra un revenu de 960 euros. Ce n’est pas normal », avait dénoncé Mme Pénicaud, dans un entretien au magazine Challenges, mi-janvier.
Dans les prochains jours, la ministre du travail souhaite rencontrer les leaders patronaux et syndicaux, représentatifs à l’échelon interprofessionnel. Ensuite, et jusqu’à la fin mars, voire au-delà, plusieurs dizaines de réunions devraient se tenir, rue de Grenelle, avec de nombreux acteurs : associations de chômeurs, mouvements d’employeurs avec une audience moins importante que celle du Medef, organisations de salariés non représentatives… Un exercice très inhabituel puisque jusqu’à présent, seuls les partenaires sociaux ayant voix au chapitre au niveau national mettaient au point les conventions Unédic.