Nouveaux déboires d’Elon Musk avec le gendarme boursier américain
Nouveaux déboires d’Elon Musk avec le gendarme boursier américain
Par Jérôme Marin (San Francisco, correspondance)
Le patron du constructeur de véhicules électriques n’a pas pu s’empêcher de tweeter, enfreignant ainsi un accord passé avec la Securities & Exchange Commission.
Elon Musk, le patron de Tesla, à Washington, le 19 juillet. / BRENDAN SMIALOWSKI / AFP
C’est un nouveau dérapage qui pourrait coûter cher à Elon Musk. Lundi 25 février, la Securities & Exchange Commission (SEC) a saisi la justice américaine, accusant le patron de Tesla de ne pas avoir respecté les conditions du règlement à l’amiable conclu en septembre 2018 entre les deux parties. Cette procédure ouvre la voie à d’éventuelles sanctions, pouvant aller jusqu’à l’interdiction de diriger le constructeur de voitures électriques.
Le gendarme boursier américain justifie sa démarche par un tweet publié le 19 février par M. Musk, dans lequel il assurait que Tesla allait produire « environ 500 000 » véhicules en 2019. Ce chiffre est inexact : fin janvier, l’objectif de production avait été fixé entre 360 000 et 400 000 unités.
Au-delà de cette erreur, qui a été corrigée quelques heures plus tard, la SEC reproche au dirigeant de ne pas avoir obtenu l’approbation des services juridiques de son entreprise avant de publier ce message. Or, cela faisait partie de l’accord négocié en 2018. M. Musk a fait « très exactement ce que les termes du jugement devaient empêcher », écrit ainsi la SEC, dans sa requête déposée devant un tribunal de Manhattan.
Accusé en 2018 de manipulation de cours et de fraude
Les avocats de Tesla reconnaissent que le tweet n’avait pas été approuvé. Mais ils assurent que M. Musk ne s’est pas mis à la faute. « M. Musk pensait que la substance du message avait déjà été examinée de manière appropriée », font-ils valoir face aux accusations des autorités. « De plus, ajoutent-ils, le tweet a été publié en dehors des erreurs d’ouverture du Nasdaq », ce qui a limité son impact sur le cours boursier de Tesla.
Les déboires de M. Musk ont débuté le 7 août 2018, lorsqu’il a annoncé sur Twitter son intention de retirer le constructeur de la cote au prix de 420 dollars par action. « Financement sécurisé », affirme-t-il notamment. Mais cela n’a jamais été le cas. Fin août, le projet est définitivement abandonné. Un mois plus tard, la SEC passe à l’action : elle accuse le patron de Tesla de manipulation de cours et de fraude. Dès le lendemain, sous la pression de Wall Street, M. Musk transige. Il accepte le règlement à l’amiable qu’il avait refusé au cours des semaines précédentes.
Pour mettre fin aux poursuites de la SEC, l’entrepreneur a cédé son poste de président du conseil d’administration pendant au moins trois ans. Il a également payé une amende de 20 millions de dollars. En outre, Tesla a nommé deux administrateurs censés être indépendants et mis en place un comité devant superviser et canaliser les communications de M. Musk.
« Je n’ai aucun respect pour la SEC »
Cet accord n’a cependant pas mis fin aux bisbilles entre les deux camps. A plusieurs reprises. M. Musk s’en est pris publiquement à la SEC, lui reprochant en particulier de faire le jeu des investisseurs à découvert qui parient sur une chute du cours boursier de Tesla. « Je n’ai aucun respect pour la SEC », affirmait-il ainsi en décembre 2018 au cours d’un entretien avec la chaîne CBS, expliquant ensuite que tous ses tweets n’étaient pas approuvés. Autre pied de nez fin décembre, avec la nomination comme administrateur indépendant de Larry Ellison, fondateur d’Oracle et ami intime de M. Musk.
La question devra désormais être tranchée par la justice. S’il est reconnu coupable, l’entrepreneur aux multiples casquettes s’expose à un large éventail de sanctions : une amende, de nouvelles restrictions sur son utilisation de Twitter ou encore l’interdiction d’occuper un poste de direction au sein d’une société cotée. Dans ce dernier cas de figure, il devrait alors passer le volant, faisant peser de nombreux doutes sur l’avenir de la société qui a renoué avec les profits fin 2018 mais dont la situation financière reste encore fragile.
L’organisation de Tesla a en effet été bâtie autour de son patron, qui gère et contrôle tout – même s’il s’est enfin résolu en septembre 2018 à nommer un lieutenant, le français Jérôme Guillen. Et sa capitalisation boursière, très élevée par rapport aux autres groupes automobiles, repose en grand partie sur l’aura de M. Musk. En outre, le constructeur traverse la période la plus cruciale de son existence : il doit décupler ses ventes pour valider son ambitieuse stratégie d’investissements, alors même que la demande pour le Model 3, sa berline d’entrée de gamme, semble peu à peu s’essouffler.