Au Salon de l’agriculture, les producteurs africains en quête de partenaires européens
Au Salon de l’agriculture, les producteurs africains en quête de partenaires européens
Par Emile Costard
Huit pays du continent ont fait le déplacement à Paris et leurs stands comptent parmi les plus importants des délégations étrangères présentes.
Kambou Lydie, présidente de la coopérative des productrices de karité dans la région de Bounkani, en Côte d'Ivoire, au Salon de l’agriculture. / Emile Costard
Pas que les animaux et les spécialités des régions de France… Le Salon de l’agriculture, qui se tient jusqu’au 3 mars au parc des expositions à Paris, a acquis au fil des années une dimension internationale. A ceux qui pensent qu’il faut « nourrir l’Afrique », le continent répond, par sa présence porte de Versailles, que les marchés européens ne font pas peur aux producteurs subsahariens.
Devant un grand aquarium rempli d’escargots, Pacome N’da, un ingénieur agronome employé par le ministère des ressources animales ivoirien, exhibe un gastéropode long comme sa main. Le jeune homme a fait le voyage pour faire connaître Achatina achatina, ces escargots géants d’Afrique. « Nous savons le public français grand consommateur d’escargots, alors nous voulons lui faire connaître notre produit », explique ce représentant des producteurs ivoiriens. Comme dans un parcours fléché, il dirige d’un geste le public vers un stand quelques mètres plus loin, où l’animal est cette fois présenté sur assiette, embroché sur un cure-dents.
Pacome N'da, agronome ivoirien, est chargé de représenter les producteurs d'escargots géants de son pays au Salon de l’agriculture. / Emile Costard
Là, c’est le rendez-vous des amateurs. Massés devant le comptoir, les testeurs comparent le gastéropode ivoirien à son cousin de Bourgogne, commentant sa texture et son goût. La dégustation aurait pu continuer à son rythme tranquille si deux ministres ivoiriens n’étaient arrivés pour promouvoir brièvement cette richesse agricole. Pour un pays comme la Côte d’Ivoire, dont 21,5 % de la richesse provient de l’agriculture, l’ouverture de marchés est importante. Comme pour le Sénégal, d’ailleurs, lui aussi représenté au salon.
Sur le stand de ce pays, l’ambiance est plus détendue. Des enceintes crachent un titre de Viviane Chidid et une dame de la délégation sénégalaise commence par s’excuser. « Il n’y a pas grand monde chez nous ce matin, mais c’est parce que nous attendons le résultat de nos élections », plaisante-t-elle. Entre dimanche 24 et jeudi 28 février, le suspens a plané sur la réélection de Macky Sall, finalement actée jeudi en début d’après-midi. Même si le président réélu s’est vu dans la campagne reprocher de n’avoir pas suffisamment relancé l’agriculture, ce secteur participe quand même à 16 % du produit intérieur brut (PIB), selon les données de la Banque mondiale.
Diass Anta Gueye et Louis-Michel Cissé, deux responsables d’une petite entreprise de transformation d’arachide, sont venus présenter leur huile avec deux buts. « Nous sommes là pour la visibilité, mais aussi pour trouver des débouchés en Europe. Nos produits sont aux normes et nous aimerions qu’ils soient distribués en France », expliquent les deux producteurs de la firme Sanocos.
Le stand de la Côte d'Ivoire au Salon de l’agriculture met en avant des producteurs de chocolat et de noix de cajou. / Emile Costard
Cette année, huit pays africains ont fait le déplacement pour le salon et leurs stands comptent même parmi les plus importants des délégations étrangères présentes. Valérie Le Roy, directrice du salon, apprécie leur approche, qui correspond assez à l’esprit du lieu. « Les pays africains sont dans une démarche pédagogique. Ils cherchent à expliquer où ils sont, qui ils sont et ce qu’ils produisent sur leur territoire », précise-t-elle, consciente de l’effort fait pour venir là.
Développer un discours institutionnel
Au salon, un stand coûte entre 100 et 150 euros le mètre carré hors montage et décoration qui restent à la charge du participant. « Dans le cas de l’Afrique, ce sont souvent les ministères qui payent l’emplacement et la construction, mais ce n’est pas une obligation », ajoute Valérie Le Roy. Le salon permet ainsi aux pays de développer leur discours institutionnel, en y ajoutant un volet commercial avec la présence des producteurs venus pour vendre ou se faire connaître. Mais le défi n’est pas toujours simple.
Président de l’entreprise malienne Nako, Yaya Malle, qui fait partie de ces entrepreneurs choisis par son pays pour participer au salon, regrette que tous les passants apprécient son sirop d’hibiscus mais que bien peu discutent avec lui d’importations à venir.
Yaya Malle, président de Nako, une entreprise malienne qui produit du sirop d'hibiscus, au Salon de l’agriculture. / Emile Costard
« Je suis venu avec de petites quantités et j’ai presque tout vendu, mais ce n’est pas l’objectif premier. Je viens ici depuis cinq ans pour faire de la promotion et trouver des partenaires européens », explique le producteur malien. Son voisin, Moctar Diara, un producteur de mangues de 70 ans, acquiesce. Le marché européen n’est pas aisé à conquérir. Reste que lui profite de ce rendez-vous où il vient depuis quatre ans pour visiter des vergers français et partager avec des collègues européens. Un moyen de continuer à se former, de sentir les idées émergentes sur ce secteur crucial à l’heure où la population de la planète ne cesse d’augmenter.
Moctar Diara, agriculteur malien de 70 ans, cultive des mangues dans la région de Koulikoro. En 2019, il participe à sa cinquième édition du Salon de l'agriculture. / Emile Costard