« Che tempo che fa » est une institution de la télévision publique italienne. Tous les dimanches soir, durant plus de trois heures, on y passe allègrement du débat politique au divertissement, de l’économie à la variété, dans une ambiance nettement moins agressive et survoltée que les talk-shows qui font l’ordinaire de la télévision italienne.

Le présentateur du programme, Fabio Fazio, traditionnellement bienveillant et très francophile, est une des bêtes noires des deux forces actuelles de gouvernement, la Ligue et le Mouvement 5 étoiles, qui le considèrent comme un des symboles de la RAI d’« ancien régime », inféodée aux vieux partis, dont il faut d’urgence se débarrasser. Mais les excellentes audiences du programme le protègent pour l’heure des attaques politiques…

« Che tempo che fa » était donc l’émission idéale pour qu’Emmanuel Macron s’adresse aux Italiens, après des mois de tensions diplomatiques entre Paris et Rome. Pour l’occasion, deux chaises avaient été installées dans le vestibule d’entrée de l’Elysée, avec en arrière-plan un escalier et au loin, comme un rappel, les drapeaux français et européens. L’entretien sera à la fois détendu, voire intimiste, et millimétré.

Rapport « imtime, personnel »

Pour sceller la réconciliation entre les deux pays, le président français a commencé par les sentiments. Son rapport « intime, personnel » à l’Italie remonte à sa découverte de Rome et de la Toscane, à l’adolescence. Le dramaturge napolitain Eduardo De Filippo (1900-1984) a « une place spéciale dans (s)on cœur » parce que c’est en l’étudiant qu’il a rencontré la professeure de lettres qui allait devenir son épouse.

Quelques mots pour souligner le rôle moteur de l’Italie dans la construction européenne, à travers des figures comme Altiero Spinelli, une citation d’Umberto Eco (« la langue de l’Europe, c’est la traduction »)… M. Macron s’est ainsi efforcé de démontrer la profondeur de son amour pour l’Italie.

La seule véritable annonce, durant l’entretien, sera celle de la venue à Amboise, le 2 mai, du président italien Sergio Mattarella, pour les 500 ans de la mort de Léonard de Vinci, au Clos Lucé. Par ce geste, le président français entend mettre un terme définitif à la polémique ayant entouré l’organisation de cette année de commémorations – en Italie, la France est souvent accusée de vouloir s’arroger une sorte de droit moral sur l’œuvre du génie toscan –, tout en dépolitisant la cérémonie, en invitant le chef de l’Etat italien plutôt que celui de son gouvernement.

Optimiste et conciliant

Pour le reste, M. Macron, d’ordinaire très sévère sur les positions italiennes dans la crise migratoire, s’est montré plutôt mesuré, concédant que l’Europe a manqué de solidarité ces dernières années. Sur le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin, terrain d’affrontement entre les deux composantes du gouvernement italien, le chef de l’Etat français s’est voulu à la fois optimiste et conciliant.

Quant à la rencontre très controversée du vice-président du Conseil, Luigi Di Maio, et d’une délégation de « gilets jaunes », le 5 février à Montargis (Loiret), Emmanuel Macron l’a minimisée, parlant de « péripétie ». Cette initiative très controversée a pourtant provoqué une crise diplomatique sans précédent depuis 1945, et le rappel pour consultations de l’ambassadeur français à Rome.

D’autres sujets, comme la situation en Libye ou les demandes d’extradition d’anciens militants d’extrême gauche italiens réfugiés à Paris depuis le début des années 1980, ne seront même pas abordés – l’heure n’est pas à l’évocation des sujets qui fâchent. De retour sur le plateau, Fabio Fazio a précisé qu’Emmanuel Macron n’avait pas eu besoin de traduction, étant donné qu’il « comprend parfaitement l’italien ». Un argument de charme pour parachever l’opération de réconciliation.