Au signal d’une étudiante, une vingtaine de jeunes s’allongent dans les couloirs de la faculté Paris-VIII, par terre, comme morts, au milieu de pancartes affichant : « migration choisie : hors de nos facs » ou « université libre et ouverte ». Ils sont là, mercredi 6 mars, pour protester contre la hausse des frais universitaires pour les étudiants étrangers, hors Union européenne.

Depuis l’annonce faite par le gouvernement le 19 novembre, un rassemblement s’organise chaque mercredi. « Ici ou dans d’autres facs. La semaine dernière, c’était à Jussieu », mentionne Benjamin, fraîchement arrivé à Paris-VIII cette année et mobilisé contre la mesure « depuis le début ». Après avoir connu un creux au moment des vacances, la mobilisation tend à reprendre du poil de la bête.

Dans le cadre de sa stratégie d’attractivité des étudiants internationaux, baptisée « Bienvenue en France », le gouvernement souhaite faire passer les frais de licence à 2 770 euros – contre 170 euros actuellement – et à 3 770 euros en master – contre 243 euros aujourd’hui. Une stratégie « inique et de mauvaise foi, aux conséquences financières, pédagogiques et scientifiques dangereuses », juge sans appel Jean-Louis Fournel, membre de l’association Sauvons l’université (SLU) venu soutenir les étudiants. Cette mesure est signe d’un rapprochement vers le modèle américain, « qui révèle pourtant ses failles », souligne-t-il.

Baisse de 84 % de préinscriptions

Par rapport à l’année dernière, la faculté parisienne enregistre une baisse de 84 % de préinscriptions d’étudiants étrangers. « Un signal d’alerte révélateur », constate Dominique Willougby, vice-président pour les relations internationales : « A Paris-VIII, près d’un tiers des étudiants sont étrangers. Et plus on monte vers le doctorat, plus le nombre d’étudiants étrangers hors UE augmente. » Et si la décision de ne plus inclure les doctorants dans cette mesure a été « un soulagement » pour ce dernier, « cela ne résout pas le problème car très souvent les doctorants sont d’anciens masters ».

« Si j’avais été confronté à une telle hausse, je n’aurai très certainement pas pu venir en France »

C’est le cas de Jean-Jacques Cadet. D’origine haïtienne, cet étudiant vient d’achever ses cinq années de doctorat en philosophie, après avoir fait son master à Paris-VIII. Arrivé en 2010 « après le tremblement de terre en Haïti », il soutiendra sa thèse dans quelques semaines. Si lui est tiré d’affaire, il se mobilise pour les suivants. « Si j’avais été confronté à une telle hausse, je n’aurai très certainement pas pu venir en France », explique le trentenaire depuis le « carré rouge », un espace d’échanges créé en janvier par les étudiants.

Même constat chez un étudiant argentin, arrivé cette année à l’université : « J’aimerais rester à Paris pour étudier mais cette mesure m’inquiète. » Bien que non touchée par la mesure, Anna, 23 ans, s’est vite mobilisée : « J’osais croire que la fac était encore l’un des rares endroits où l’argent n’était pas un critère d’entrée. » L’étudiante en théâtre s’identifie à ces étudiants étrangers : « Je suis boursière depuis le début de mes études. Si, du jour au lendemain, on me demandait de les payer, ce serait difficile. »

Triplement des bourses et exonérations

Pour tenter d’amoindrir le choc, le gouvernement a décidé de tripler le nombre de bourses et d’exonérations allouées aux étudiants internationaux. Mais là encore, Dominique Willougby fronce les sourcils : « L’année prochaine, on est en mesure d’exonérer tous les nouveaux entrants. Mais la deuxième année, on tombe dans le rouge. »

Le 11 mars, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) – composé de Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur et de cent responsables éducatifs ou étudiants et personnalités publiques liées à l’éducation – se réunira. Organe consultatif, il est mandaté dans le cadre de stratégies nationales de l’enseignement supérieur.

Peu optimistes sur l’issue de ce vote, syndicats et étudiants préparent une manifestation dès le lendemain, à Paris et dans plusieurs villes de France. Le 13 mars, à Paris-VIII, on prépare une journée de mise à l’honneur des étudiants étrangers par leurs productions et recherches.