Rachida Dati invitée de « L’Emission politique », le 24 janvier. / GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Rachida Dati s’en dit « convaincue » : la droite peut gagner les prochaines municipales à Paris, une ville acquise à la gauche depuis vingt ans. L’ancienne garde des sceaux de Nicolas Sarkozy serait prête à mener cette bataille. Pour preuve, l’élue Les Républicains (LR) s’est résolue à ne pas se présenter aux élections européennes de mai, pour mieux se consacrer au scrutin parisien de 2020.

« J’ai décidé de renoncer à briguer un nouveau mandat de députée européenne, a-t-elle annoncé mardi 5 mars dans un entretien au Figaro. Car la politique, ce sont des choix parmi ses combats. Et, aujourd’hui, mon choix, c’est Paris. » A un an de l’élection dans la capitale, « j’ai très envie » d’être candidate à la mairie, a-t-elle confirmé mercredi sur RTL.

Pour l’emporter face à Anne Hidalgo, la maire socialiste sortante qui souhaite se représenter, Rachida Dati rode déjà ses arguments. « Paris a toujours été la ville de toutes les promesses, celle de l’émancipation où se réalisent les rêves et les ambitions. Paris répond-elle toujours à cette promesse ? Je ne le crois pas. Je veux redonner à Paris cette ambition », déclare-t-elle. A ses yeux, « la droite a fait ses preuves sur de nombreuses questions telles que la sécurité, la gestion des finances publiques ou l’environnement ».

Manœuvre tactique

Ces derniers mois, l’actuelle maire du très chic 7e arrondissement de Paris avait déjà évoqué son intérêt pour la future campagne parisienne, et participé à des sorties et des réunions de quartier hors de son fief. Notamment dans des quartiers populaires. Mais beaucoup d’observateurs y lisaient une manœuvre tactique. Une façon de peser dans les tractations internes aux Républicains, afin d’obtenir une place éligible sur la liste LR aux européennes du 26 mai.

Cet objectif semble avoir été atteint. Lors de la commission d’investiture prévue ce mercredi, « Laurent Wauquiez me proposera à la sixième place », affirme Rachida Dati. Une position qui, sauf déroute absolue des Républicains, équivaut à un ticket gagnant pour le Parlement européen, où l’ancienne ministre siège depuis 2009.

Au sein de la droite parisienne, les élus réfléchissaient déjà aux conséquences de sa probable réélection européenne. Notamment à la meilleure personne pour la remplacer à la mairie du 7e arrondissement, qu’elle aurait dû lâcher dès juillet en raison de l’application de la loi sur le non-cumul des mandats.

Mardi soir, quand l’annonce de son choix est tombée, beaucoup ont donc été stupéfaits. « Personne n’était au courant, avoue le sarkozyste Geoffroy Boulard, maire du 17arrondissement et secrétaire départemental de LR à Paris. Cela clarifie son positionnement. Elle va maintenant sans doute nous expliquer ce qu’elle veut faire précisément. »

A droite, l’intérêt désormais officiel de Rachida Dati pour l’élection municipale bouleverse la donne. Jusqu’à présent, très peu de responsables LR étaient sortis du bois. Seul Jean-Pierre Lecoq, maire du 6e arrondissement depuis bientôt vingt-cinq ans, s’était déclaré candidat. Florence Berthout, son homologue du 5e arrondissement, avait, elle, avancé l’idée d’une primaire ouverte au sein de la droite, sans préciser si elle y participerait.

Crise des vocations

« C’est inédit, on n’a jamais eu si peu de marques d’intérêt pour l’Hôtel de ville », s’étonnait encore lundi un cadre du parti, tout en déroulant la liste des raisons possibles : la grande dépression de LR depuis le fiasco de François Fillon à la présidentielle, le traumatisme des primaires à droite, le souvenir des batailles fratricides… La crise des vocations paraissait telle que certains LR envisageaient de s’en remettre à Pierre-Yves Bournazel, un juppéiste qui a commencé une campagne hors des partis.

Avec Rachida Dati sur les rangs, la situation change. A 53 ans, l’ancienne ministre de la justice dispose d’une forte notoriété, elle est en phase avec la ligne droitière de Laurent Wauquiez, et peut s’appuyer sur un bon ancrage dans l’Ouest parisien. Cette fille d’un maçon marocain « a aussi un vrai sens du populaire, ajoute l’ancien sénateur (UDI) Yves Pozzo di Borgo, qui siège avec elle au conseil du 7e arrondissement. Elle peut faire gagner des voix à la droite dans les quartiers de l’Est. »

Encore faut-il qu’elle soit adoubée par LR, et sache rassembler son propre camp – ce qui n’a rien d’évident, tant cette femme jamais à court de flèches s’est fait d’ennemis : François Fillon, Brice Hortefeux et bien d’autres. Surtout, le paysage politique parisien est compliqué pour LR. D’un côté, Anne Hidalgo est sortie de la grande crise qu’elle a connue en 2018. De l’autre, une concurrence nouvelle est apparue avec La République en marche, qui a obtenu à Paris des scores brillants lors des législatives de 2017. Quelle que soit la tête de liste, le combat s’annonce très difficile.