Nouveau report du « plan violences » dans le milieu scolaire
Nouveau report du « plan violences » dans le milieu scolaire
Par Mattea Battaglia
Ce projet devait être détaillé mercredi en conseil des ministres. Les syndicats voient dans l’inaction des politiques un enterrement de première classe.
« Rien d’étonnant », répète-t-on sur le terrain de l’école, où l’on a accueilli sans ciller, mercredi 6 mars, le report du plan contre les violences scolaires promis par le gouvernement. Annoncé dans le sillage de l’agression, fin octobre, d’une enseignante de l’académie de Créteil menacée avec une arme factice par l’un de ses élèves, le volet de mesures porté par quatre ministères (éducation nationale, justice, santé et intérieur) devait être détaillé en conseil des ministres. L’agenda a finalement été modifié, entérinant un quatrième report.
« Le plan pour la protection de l’espace scolaire ne donne lieu, pour l’heure, qu’à un échange entre les ministres sur le sujet », commente-t-on Rue de Grenelle. Dans l’entourage des ministres Agnès Buzyn, Nicole Belloubet ou Christophe Castaner, la réponse (quand elle existe) est plus concise encore : « Pas d’informations sur ce report. »
Un enterrement de première classe, faute d’arbitrage sur un sujet sensible ? C’est en tout cas ce que suggèrent, face au silence politique, bon nombre de syndicalistes, enseignants ou chefs d’établissement. « Il n’y a rien de neuf à annoncer », affirme-t-on au SE-UNSA. « Rien qui ne permette un coup d’éclat, rien qui ne fasse consensus », ajoute-t-on au SNES-FSU, majoritaire dans les collèges et lycées.
« Risque politique »
Personne, dans les rangs syndicaux, n’a oublié la levée de boucliers suscitée par la piste de sanctions financières (voire d’une suspension des allocations familiales aux familles d’enfants violents, comme défendu par le député LR Eric Ciotti (Alpes-Maritimes), qui avait fuité dans Le Parisien mi-janvier, sans qu’on sache précisément si elle avait le soutien du ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer. Sur les réseaux sociaux, les députés, y compris ceux de la majorité, l’avaient rejetée en bloc : « Vieille lubie », avait ainsi réagi Hugues Renson, député LRM de Paris et vice-président de l’Assemblée nationale. Les quatre experts missionnés, cet hiver, pour définir la « colonne vertébrale » du futur plan violences (une rectrice, un député, une édile, un inspecteur général) se sont également divisés sur ce point.
« En agitant ce chiffon rouge, le gouvernement a pris un risque politique, observe Stéphane Crochet, du SE-UNSA. Il joue aujourd’hui la prudence et tente d’éviter les polémiques. » Le traitement des élèves « poly-exclus », qui dépend des ministères de la justice et de l’éducation, ferait également encore débat.
Pour le reste, beaucoup a déjà été dit. La présence de policiers en milieu scolaire, à laquelle M. Blanquer s’était dit favorable, n’est pas nouvelle : ils sont aujourd’hui quelque 6 500 policiers ou gendarmes à servir de relais dans les établissements. La ville de Nice expérimente également cette voie dans une dizaine d’écoles. Le lien école-justice, évoqué comme une autre piste, a déjà été renforcé sous la gauche. Quant aux mesures plus spécifiques (réforme des conseils de disciplines, diversification des sanctions, travail sur les exclusions, tenue d’un registre des incidents, etc.), elles ont été communiquées aux recteurs dès la Toussaint.
« Nous n’avons pas pris de retard »
« Je me demande si le gouvernement n’est pas dans une impasse, avance Philippe Vincent, porte-parole du syndicat de proviseurs SNPDEN-UNSA et proviseur à Marseille. Il aurait besoin d’une communication symboliquement forte pour porter ce plan – le quatorzième en deux décennies, selon les calculs de son syndicat –, mais il peine à dépasser le mélange des genres entre logique éducative et logique répressive. Or ce n’est pas en transformant les règlements intérieurs de nos lycées en petits codes pénaux qu’on pourra répondre à la problématique. »
Comment, alors ? Les enseignants sont catégoriques : point de « recettes miracles » ; c’est en travaillant « au quotidien » et « en équipe » sur le climat scolaire qu’on l’améliore. « Quoi de mieux pour l’apaiser que des personnels d’encadrement formés et en nombre suffisant ? », questionne Claire Guéville, du SNES-FSU, en rappelant que la rentrée prochaine se fera avec plus de 2 600 postes en moins dans le second degré. « Il faut avancer sur la refonte de l’éducation prioritaire, travailler sur les collectifs d’enseignants », pointe également le chercheur Benjamin Moignard.
Interrogé à l’Assemblée, mardi 5 mars, sur ce nouveau report, M. Blanquer s’est voulu rassurant : « Nous disons depuis le début que [les mesures] auront vocation à s’appliquer à la rentrée prochaine. Nous n’avons donc pas pris de retard », a-t-il expliqué. En attendant, l’enquête de climat scolaire promise aux personnels du second degré prend forme : elle porterait, de source syndicale, sur un panel de 4 000 établissements interrogés sur les conditions d’exercice, les violences subies, les relations aux parents… De quoi objectiver l’avalanche de témoignages qui, cet hiver, avait déferlé sur les réseaux sociaux sous la bannière #pasdevague.