« Les Témoins de Lendsdorf » : un chercheur perdu dans le labyrinthe de la mémoire
« Les Témoins de Lendsdorf » : un chercheur perdu dans le labyrinthe de la mémoire
Par Thomas Sotinel
Le premier long-métrage de l’Israélien Amichai Greenberg voudrait renouveler le débat sur le souvenir de la Shoah et choisit la voie du mélodrame.
Un quart de siècle, à onze jours près, après la sortie française de La Liste de Schindler, de Steven Spielberg, le cinéaste israélien Amichai Greenberg tente d’embrasser la question de la mémoire de la Shoah, dans son pays et en Europe. Ce premier long-métrage ploie sous cette ambition, ouvrant des perspectives dérangeantes tout en se perdant dans les conventions de la fiction.
Yoel (Ori Pfeffer) parcourt les champs d’une campagne autrichienne. Ce juif orthodoxe travaille pour une institution israélienne qui l’a chargé de déterminer la localisation d’une fosse commune où gisent des juifs massacrés aux derniers jours de la seconde guerre mondiale. Après des années de recherches minutieuses, il faut se précipiter avant que les autorités locales ne mettent en chantier un gros projet immobilier qui recouvrira le charnier de béton.
Yoel est religieux comme ne se prive pas de lui rappeler la très laïque Rina (Hagit Dasberg Shamul) qui dirige l’institution mémorielle pour laquelle il travaille. Revenu en Israël dans l’espoir de trouver des témoins de cette tragédie dans la tragédie, il plonge dans l’archive classifiée où s’accumulent les récits dont les auteurs ne veulent pas qu’ils soient rendus publics.
Propos hétérodoxe
C’est à ce stade que Les Témoins de Lendsdorf qui – jusque-là – arborait la physionomie d’un thriller austère, se perd dans un labyrinthe d’hypothèses. Au détour d’un des témoignages que Yoel passe en revue se trouve une révélation mélodramatique qui remet en cause les fondements mêmes de l’existence du chercheur. Or la seule personne qui pourrait l’éclairer, sa mère (Rivka Gur), survivante des camps, refuse de lui parler d’autre chose que de ses échecs de père, de mari, de religieux.
De ce fossé, Amichai Greenberg fait surgir un propos inédit, sur la forme que pourra prendre la mémoire de l’extermination des juifs d’Europe après la mort des derniers témoins. Son propos est hétérodoxe, passionnant, mais il le fait passer par un drame familial dont les ressorts ont souvent servi.
Pour faire vivre cette histoire dans la grande machine de l’Histoire, il aurait fallu un scénario moins artificieux, une mise en scène plus assurée. Celle-ci ne manque pourtant pas d’intérêt, dans sa gestion des espaces, par exemple. Yoel va et vient entre les espaces du centre de recherche – d’un hall lumineux qui proclame sa transparence à la face du monde à des bureaux grillagés proprement kafkaïens. Derrière les murs de ce dédale, le plaidoyer du metteur en scène pour une nouvelle approche de l’Histoire peine à se faire entendre.
LES TEMOINS DE LENDSDORF - de Amichai Greenberg - Bande Annonce
Durée : 01:51
Film israélien d’Amichai Greenberg. Avec Ori Pfeffer, Rivka Gur, Hagit Dasberg Shamul (1 h 34). Sur le Web : www.condor-films.fr/film/les-temoins-de-lendsdorf