L’Assemblée a repoussé vendredi 15 mars de trois ans l’interdiction de la fabrication sur le sol français de pesticides vendus en dehors de l’Union européenne, à 2025, en ajoutant une dérogation pour certaines entreprises, ce qui a suscité des divergences jusque dans la majorité. La mesure a été votée dans le cadre de l’examen en nouvelle lecture du projet de loi Pacte sur les entreprises.

L’interdiction en 2022 de la production, du stockage et de la vente de produits phytopharmaceutiques destinés à des pays tiers et contenant des substances prohibées par l’UE figurait dans la loi agriculture et alimentation (Egalim), promulguée en novembre. Mais à la faveur de Pacte, le Sénat à majorité de droite avait voté sa suppression pure et simple, en première lecture.

Compromis ?

Après de vifs débats, l’Assemblée a voté par 27 voix contre 3 et 7 abstentions ce que le rapporteur Roland Lescure (La République en marche, LRM) a qualifié de « compromis », salué par la secrétaire d’Etat à l’économie Agnès Pannier-Runacher.

L’ex-secrétaire d’Etat à la biodiversité et députée LRM Barbara Pompili, qui s’est abstenue, ainsi que les socialistes et Insoumis, ont réclamé en vain de revenir à 2022. « On ne peut pas défaire ce que l’on a fait », a défendu Mme Pompili, en s’insurgeant contre « le chantage à l’emploi » de certaines entreprises « cyniques ». « Si on supprime du jour au lendemain la production », le danger c’est que celle-ci « se déplace de quelques centaines de kilomètres et que l’impact pour l’environnement soit nul », a plaidé M. Lescure.

Un argument également défendu par Bercy, pour qui cette nouvelle mouture du texte permet « de donner une échéance claire aux industriels » afin de faire « en sorte qu’il n’y ait pas un effet couperet brutal ».

Partenariats

L’amendement adopté décale ainsi à 2025 l’entrée en vigueur de l’interdiction et propose aussi des dérogations, sans date limite, aux entreprises qui s’engagent, dans un délai de six mois après la publication de la loi, dans un partenariat avec l’Etat, via la signature d’une convention de transition. Cette convention précisera les investissements à fournir dans des solutions de substitution, notamment dans le biocontrôle et la recherche.

« Il a été convenu qu’il fallait engager une action à l’échelle européenne, et que cette échelle était le bon niveau pour que cette interdiction se fasse », a ajouté Bercy, pour qui l’échéance de 2025 « permet aussi d’avancer à cette échelle ». « Je ne crois pas que (cet amendement) aurait eu un grand succès auprès des lycéens qui manifestent en ce moment pour le climat », a raillé l’« insoumis » Eric Coquerel.

« Pendant que les citoyens marchent, les lobbys des pesticides avancent et le gouvernement recule », a renchéri dans un communiqué la Fondation Nicolas Hulot.

De son côté, le groupe Les Républicains a indiqué qu’il aurait préféré « le pragmatisme » du Sénat.

Emplois en péril

Les industriels des produits phytosanitaires ont d’abord fustigé le texte, estimant que « plus de 2 700 emplois directs et 1 000 emplois indirects » sont « mis en péril » en France par l’interdiction de fabrication.

Puis, sur un ton plus conciliant, le président de l’UIPP (Union des industries de protection des plantes) Nicolas Kerfant, a souligné que le gouvernement avait montré qu’il est « prêt à revenir discuter avec les industriels » en accordant des assouplissements au texte initial. « Mais nous avons absolument besoin d’une définition européenne du biocontrôle » et d’une « vision claire » de ce que le gouvernement veut faire en matière d’agroécologie, a-t-il prévenu, sinon « nous ne pourrons pas lancer de programmes de recherche engageant nos entreprises sur quinze ans ».