« Gilets jaunes » : face aux violences, Bercy renforce son dispositif d’aide aux entreprises
« Gilets jaunes » : face aux violences, Bercy renforce son dispositif d’aide aux entreprises
LE MONDE ECONOMIE
Le gouvernement redoute que le mouvement social ne fragilise trop la trésorerie des sociétés et oblige certaines à mettre la clé sous la porte.
Un magasin incendié sur les Champs-Elysées, lors de la manifestation des « gilets jaunes » à Paris, samedi 16 mars. / ZAKARIA ABDELKAFI / AFP
La casse a un coût et il est de plus en plus élevé. D’après la Fédération française de l’assurance (FFA), le montant des dégâts liés au mouvement des « gilets jaunes » devrait dépasser les 170 millions d’euros. Sur les 10 000 déclarations de sinistres enregistrées depuis la mi-novembre 2018, 6 000 ont concerné des véhicules, 4 000 des commerces. Et encore ce bilan n’intègre pas les manifestations de l’acte XVIII, samedi 16 mars.
« Rien ne justifie jamais la violence, rien ne justifie les pillages », a réagi le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, lundi 18 mars, à l’issue d’une rencontre avec les organisations professionnelles à Bercy. Les blocages et les destructions, estimait-il fin février, ont amputé la croissance trimestrielle de 0,2 point. Des prévisions qui pourraient être revues à la hausse si la contestation sociale s’éternisait.
Pour parer au plus pressé, le gouvernement a décidé de muscler l’accompagnement des entreprises fragiles. La priorité est de « mieux faire connaître tous les dispositifs que nous avons mis en place depuis plusieurs mois », a souligné M. Le Maire. Encore peu utilisés, ils permettent notamment de demander des autorisations d’activité partielle et d’étaler le versement des charges sociales et fiscales. Cette dernière mesure, censée courir jusqu’au 30 mars, sera prolongée jusqu’au 30 avril.
« Nous ne voulons aucune défaillance »
En outre, des « brigades d’intervention » comme celle mise en place à Toulouse seront déployées dans « toutes les grandes villes françaises ». Rien de martial malgré la formule : ces équipes, constituées de membres de l’Urssaf, des Directions régionales des entreprises, de la concurrence, du travail et de l’emploi (Direccte) et des chambres de commerce et d’industrie « doivent aller démarcher les commerçants, les artisans et les indépendants avec l’ensemble des documents pour qu’[ils] puissent être aidés à remplir les formulaires, avoir en direct les conseils et savoir de quels droits ils peuvent bénéficier », a expliqué le ministre.
Dans certains cas, les chefs d’entreprises pourront solliciter une « annulation » pure et simple des impôts directs (sur les sociétés et sur les revenus). Un fascicule pour toute demande de délai de paiement ou de remise d’impôt est disponible sur le site impots.gouv.fr.
Comme les représentants des principaux syndicats patronaux, le gouvernement redoute que le mouvement social ne fragilise trop la trésorerie des entreprises et oblige certaine à mettre la clé sous la porte. « Nous ne voulons aucune défaillance », a insisté M. Le Maire. Un souhait plutôt exaucé pour le moment.
Malgré des pertes sévères de chiffre d’affaires dans certains secteurs, les liquidations judiciaires, placements en redressement et procédures de sauvegarde sont restées jusque-là mesurées. D’après la Banque de France, les défaillances d’entreprises n’ont progressé que de 0,4 % en janvier.
Pourtant, un mauvais vent souffle sur les secteurs de l’hébergement et de la restauration, ainsi que sur les transports (taxis et fret). Selon Stéphane Colliac, économiste auprès de l’assureur-crédit Euler Hermes, les défaillances ont même progressé de 10 % dans le commerce en janvier. « C’est la vraie nouveauté, observe-t-il. Les sinistres ont beaucoup augmenté chez les vendeurs de voitures, les grossistes et les détaillants. »
Le phénomène est-il lié aux remous sociaux ? Difficile à dire. A Nîmes, où les liquidations ont explosé de 74 % en janvier puis en février, « aucun justiciable n’a évoqué à la barre une quelconque cause liant leur situation au mouvement des “gilets jaunes” », selon le président du tribunal de commerce, Jean-Michel Albouy.
La consommation est en berne
Les raisons, en effet, sont plus diffuses : avec une croissance de 1,5 % l’an passé et de 1,4 % attendue en 2019 par la Banque de France, la dynamique est moins vigoureuse. La consommation, surtout, est en berne, en raison des craintes sur le pouvoir d’achat.
Ce dernier, s’accordent les économistes, devrait s’améliorer dans le courant de l’année grâce aux mesures annoncées par le président Emmanuel Macron en décembre. Le rebond aura-t-il l’effet attendu sur la confiance des Français et leurs dépenses ? A voir.
En attendant, le Comité Champs-Elysées, une association de promotion qui revendique 180 adhérents, en grande partie des commerces, a pris « acte de la volonté affichée du gouvernement de protéger le quartier des Champs-Elysées ». « Pour aider les commerçants, le meilleur moyen est encore d’intervenir avant que les débordements ne se produisent, estimait lundi soir à Bercy le représentant de la Confédération des petites et moyennes entreprises, Jean-Eudes du Mesnil du Buisson. De plus en plus de patrons craignent pour la sécurité de leur personnel. »