Portraits officiels de Macron décrochés : la gendarmerie sur les dents
Portraits officiels de Macron décrochés : la gendarmerie sur les dents
Par Rémi Barroux
Une circulaire alerte les gendarmes sur la campagne de décrochage des portraits du président de la République dans les mairies, lancée par Action non violente COP21.
Des militants d’ANV COP21 et le maire de Cabestany (Pyrénées-Orientales), Jean Vila, enlèvent le portrait d’Emmanuel Macron accroché dans la mairie de la ville, le 27 février 2019. / RAYMOND ROIG / AFP
Les consignes sont claires. Dans une circulaire interne envoyée à toutes les gendarmeries, début mars, la direction générale de la gendarmerie nationale alerte sur la campagne de « décrochage » des portraits officiels d’Emmanuel Macron dans les mairies, lancée le 21 février par des militants d’Action non violente COP21 (ANV-COP21), pour dénoncer le « vide de la politique climatique » du chef de l’Etat.
Dévoilée le 22 mars par un Tweet de l’ex-député européen du Front national Jean-Yves Le Gallou, la missive incite « à recueillir les plaintes des maires ou, à défaut, celles des préfets en substitution, de manière à conforter la réponse pénale des parquets ».
Le retour du crime de lèse majesté ! Le service antiterroriste et le service de recherche criminelle de la gendarme… https://t.co/B5Rv5EI7bW
— jylgallou (@Jean-Yves Le Gallou)
Lorsque les faits sont revendiqués au nom de l’association ANV-COP21, précise-t-elle, il faut « vérifier que les mis en cause sont membres ou sympathisants de cette association » et « prendre attache avec le BLAT [bureau de la lutte antiterroriste] afin de déterminer les modalités à mettre en œuvre pour rechercher la responsabilité morale de cette association ». Et un bilan hebdomadaire par le « SCRC », le service central de renseignement criminel, analysera les comptes rendus de police judiciaire « faisant apparaître les termes “portrait président” et/ou “ANV-COP21” ».
« Les gendarmes devraient avoir d’autres priorités »
A ce jour, vingt-sept portraits ont été enlevés. Trente-cinq activistes ont été auditionnés par la police, dont vingt et un sous le régime de la garde à vue, selon l’avocat de l’ANV-COP21, Alexandre Faro. Neuf personnes ont été convoquées en vue d’un procès à Paris le 11 septembre 2019, deux à Strasbourg le 26 juin et deux à Lyon le 2 septembre. « Il est très choquant que ces décrochages symboliques puissent être considérés comme des atteintes à la sûreté de l’Etat », estime Alexandre Faro.
« Le gouvernement veut faire taire les activistes qui dénoncent le décalage entre ses discours et ses actes, juge Jon Palais, porte-parole d’ANV-COP21. Ils n’assument pas leur politique. Ils pourraient dire comme Trump [le président des Etats-Unis] que le climat, cela ne compte pas. »
Pour ce militant, qui revendique l’action non violente et dit que le préjudice matériel est infime – « ce portrait vaut tout au plus quelques euros » –, la réaction est de l’ordre du symbolique. « Les gendarmes devraient avoir d’autres priorités dans la conjoncture actuelle », assène Jon Palais.
Du côté de la gendarmerie nationale, on assure qu’il s’agit d’une « procédure courante », d’un « message assez habituel ». Interrogé par Le Monde, le ministre de la transition écologique et solidaire critique cette campagne lancée par ANV-COP21. « Je la trouve particulièrement malvenue dans le contexte de remise en cause violente des institutions démocratiques, c’est-à-dire de la légitimité des urnes, confie François de Rugy. J’ai l’impression que le “spectaculaire” de l’action cache le vide de propositions. »