Le directeur général de BFM Business, Pierre Fraidenraich, démissionne
Le directeur général de BFM Business, Pierre Fraidenraich, démissionne
Par François Bougon
Le dirigeant de la chaîne d’informations économiques a annoncé, jeudi, son départ au lendemain de révélations sur les conditions de l’organisation, en 2015, d’un forum de « Libération » au Gabon, lorsqu’il était directeur opérationnel du quotidien.
Pierre Fraidenraich, en avril 2014, dans les locaux de « Libération », à Paris. / PATRICK KOVARIK / AFP
Le directeur général de la chaîne BFM Business, Pierre Fraidenraich, a annoncé, jeudi 28 mars au matin, son départ du groupe Altice. La veille, La Lettre A révélait l’existence d’une enquête préliminaire du Parquet national financier portant sur des mouvements de fonds liés à l’organisation, par Libération, d’un forum au Gabon, en 2015, lorsqu’il était directeur opérationnel. « Il a annoncé son intention de quitter le groupe à la suite de l’affaire du forum de Libération au Gabon. J’en prends acte », a déclaré au Monde Alain Weill, le PDG d’Altice Europe, confirmant une information de Libération.
Laurent Joffrin, le directeur de la publication, et M. Fraidenraich ont été entendus par les enquêteurs. Ces derniers, affirme une source proche du dossier, travaillent sur des pistes d’éventuels faits de blanchiments, de surfacturations et de détournements de fonds. La justice semble estimer que le contrat initial est entaché par des irrégularités et des montages financiers offshore suspects. Selon plusieurs sources, l’idée du forum venait de Pierre Fraidenraich, qui, cependant, n’avait pas fait part, à l’époque, de ses liens avec des milieux d’affaires liés à la présidence gabonaise.
Dans un texte publié, mercredi 27 mars, à la suite d’une assemblée générale, les salariés ont rappelé s’être opposés à l’organisation d’un tel forum « dans un pays non démocratique et à son financement par un régime autoritaire et opaque ». Ils avaient obtenu la présence d’organisations non gouvernementales et d’opposants et la promesse que le journal n’en tirerait aucun bénéfice.
Un versement de 450 000 euros
Quatre ans plus tard, ils constatent que les promesses n’ont pas été tenues. le contrat a donné lieu, pour Libération, à un versement de 450 000 euros. Les 3 millions restants ont été versés à la société mère du quotidien, en 2015, PMP. Une enquête diligentée en interne a révélé que 450 000 euros de commissions avaient été versés à « un intermédiaire ». Selon plusieurs sources, il s’agit de Nadine Diatta, la directrice d’une agence de communication, très bien introduite au palais présidentiel de Libreville : elle est la sœur d’Evelyne Diatta-Accrombessi, épouse de Maixent Accrombessi, un homme d’affaires béninois devenu ami et directeur du cabinet du président gabonais, Ali Bongo Ondimba, jusqu’en 2016.
Des documents du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca, au cœur du scandale des « Panama Papers » – révélé par le Consortium international de journalistes d’investigation dont Le Monde est partenaire –, montrent que la société familiale de Pierre Fraidenraich, Dinojo (présidée par son épouse, Marie-Amélie Fraidenraich), avait investi, en janvier 2015, dans la chaîne de télévision de divertissement fondée par Evelyne Diatta-Accrombessi, EDAN. N’était-ce pas un conflit d’intérêts évident ? Contacté, M. Fraidenraich, qui a quitté Libération en 2016, n’a pas répondu au Monde. « Cette participation a été, depuis, cédée sans aucune contrepartie que ce soit. Je n’ai jamais perçu la moindre rémunération ni touché de dividende d’EDAN », avait-il déclaré à La Lettre A.
La rédaction de Libération devait se réunir de nouveau, jeudi, en milieu de journée, pour discuter du contenu d’une éventuelle motion de défiance.