Le rappeur canadien Drake fait partie en 2018 des cinq artistes les plus vendus de la planète. / REUTERS/Mike Blake

« Tout pour la musique. Et ils tapent dans leurs mains… » Les paroles de France Gall illustrent parfaitement l’euphorie du secteur musical. La Fédération internationale de l’industrie phonographique (IFPI) a annoncé mardi 2 avril une progression de 9,7 % des revenus mondiaux de la musique en 2018, à 19,1 milliards de dollars (17 milliards d’euros). Soit la quatrième hausse consécutive après des années de vaches maigres. Le mauvais rêve s’évapore donc, après une large conversion au numérique. Les esprits les plus chagrins noteront toutefois que l’industrie musicale n’a toujours pas retrouvé son niveau du début des années 2000, au temps béni où ses revenus dépassaient largement les 20 milliards de dollars.

Une nouvelle fois, le streaming, porté par l’explosion des abonnements payants, tire tout le secteur (+ 34 % par rapport à 2017). L’écoute de musique illimitée (payante et gratuite) représente presque la moitié (47 %) du chiffre d’affaires mondial. On comptait dans le monde, fin 2018, 255 millions d’utilisateurs payants sur les services de streaming – comme Spotify, Deezer ou ceux d’Apple ou d’Amazon – qui généraient à eux seuls 37 % du revenu total de la musique.

A contrario, tous les supports physiques comme les CD ou les téléchargements poursuivent leur baisse (- 10,1 %). Seule exception, le petit marché du vinyle affiche toujours une réjouissante santé (+ 6 %).

La Chine en plein boom

L’étude annuelle de l’IFPI montre que la dynamique de marchés comme la Corée du Sud, la Chine ou le Brésil permet désormais aux artistes de ces pays de toucher une audience internationale. En témoignent les percées spectaculaires « du boys band coréen BTS, du chanteur colombien de reggaeton J Balvin ou des stars montantes comme Aya Nakamura artiste française d’origine malienne », relève Frances Moore, directrice générale de l’IFPI.

La pop coréenne s’exporte aussi bien au Canada qu’au Pérou ou en Turquie. « Des artistes locaux peuvent devenir mondiaux et, fait nouveau, les tubes ne sont plus systématiquement en anglais », constate Stuart Bondell, vice-président exécutif chargé de l’international et des affaires juridiques de Sony Music.

Sur les cinq artistes les plus vendus de la planète, on comptait trois rappeurs l’an dernier : le plus connu, le canadien Drake, arrive en tête devant le boys band BTS. Suivent le compositeur et l’interprète britannique Ed Sheeran, avant le rappeur texan Post Malone et un autre rappeur américain, Eminem.

Si les Etats-Unis restent le premier marché, suivi par le Japon, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France, la Chine s’est hissée en septième position mondiale. Le potentiel de développement y semble extraordinaire puisque « le pays ne compte que 33 millions d’abonnés à des offres de streaming pour une population de 1,4 milliard d’habitants », souligne Andrew Chan, directeur général de Sony Music en Chine. Adam Granite, vice-président exécutif chargé du développement chez Universal Music, estime d’ailleurs « que la Chine va continuer à grandir » et il n’écarte pas la possibilité « qu’elle devienne le premier marché mondial » d’ici à cinq ans. 

Le marché allemand en perte de vitesse

Si l’Amérique latine affiche un très fort taux de croissance (16,8 %), c’est grâce au parcours en flèche du Brésil, tandis qu’en Europe, le marché est resté quasiment plat (0,1 %). L’Allemagne détonne dans ce concert et reste l’un des rares pays à afficher une baisse (-9,9 %), en raison de sa lente transition des ventes physiques vers l’exploitation numérique.

Pour Glen Barros, PDG de Concord Music – une compagnie de musique californienne indépendante distribuée par Universal Music –, « la croissance du marché nécessite de réaliser davantage d’investissements, davantage de marketing, pour s’implanter notamment dans les nouveaux marchés ».

Après le vote en faveur de la directive sur les droits d’auteurs à Bruxelles le 26 mars, Frances Moore se réjouit de « l’obligation qui est faite de conclure des licences » avec les plateformes, et notamment avec YouTube. Cela doit permette de « corriger l’écart de valeur par de nouvelles règles du jeu équitables, qui assureront une juste rémunération à ceux qui créent et produisent de la musique ».