Retraites : Jean-Paul Delevoye hausse le ton contre le gouvernement
Retraites : Jean-Paul Delevoye hausse le ton contre le gouvernement
Par Raphaëlle Besse Desmoulières, Bertrand Bissuel
Le haut-commissaire chargé de mener la réforme a annoncé qu’il quitterait son poste en cas de report de l’âge légal minimum de départ à la retraite.
Jean-Paul Delevoye tient à ce que les choses soient claires : il ne fait pas du chantage à la démission. Mais si la réforme des retraites, sur laquelle il travaille en qualité de haut-commissaire, se traduit par un relèvement de l’âge minimum pour payer les pensions, il quittera son poste. « Sa position est claire, il l’a déjà exprimée il y a une dizaine de jours à l’issue d’un colloque au Sénat », rappelle-t-on dans son entourage, en insistant sur le fait qu’« il ne s’agit pas d’un ultimatum ». Cette mise au point, effectuée mercredi 3 avril, intervient alors même que plusieurs poids lourds de l’exécutif continuent de mentionner l’hypothèse d’un report de l’âge à partir duquel les personnes peuvent réclamer le versement de leur pension – ce qui ferait passer ce paramètre de 62 à 63 ans, voire au-delà.
Le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, a même déclaré, lundi, que le recul du curseur jusqu’à 65 ans constitue « une bonne idée ». Il faut « travailler plus longtemps pour financer notre système de solidarité », a-t-il ajouté : « Il n’y a pas cinquante solutions vu les comptes publics. Soit vous dites aux gens “on ne vous indexe plus vos retraites”, soit vous dites aux gens “on va augmenter les impôts, les cotisations, pour payer notre système de retraite”, soit vous leur dites “vous travaillez un peu plus pour financer les retraites.” » Pour M. Darmanin, le changement de la borne d’âge peut être décidé « indépendamment de la réforme Delevoye », c’est-à-dire du projet de système universel que le haut-commissaire est en train de bâtir dans le cadre d’une concertation avec les partenaires sociaux, ouverte depuis un peu plus d’un an.
Matignon « n’a pas changé de ligne »
Bruno Le Maire abonde dans le même sens, mercredi, dans un entretien aux Echos, mais en défendant un schéma différent : aux yeux du ministre de l’économie, il y a, en plus du chantier piloté par M. Delevoye, « un deuxième débat sur l’allongement de la durée de travail ».
« Ne le fermons pas, plaide M. Le Maire. Il a été ouvert et fait partie du grand débat. Il y a un vrai choix de société derrière, sur le financement de notre modèle social. »
Ces pistes semblent aussi présentes à l’esprit de proches collaborateurs d’Emmanuel Macron. Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Elysée, en fait partie, selon nos informations.
Le sujet a-t-il été abordé, mardi soir, lorsque Edouard Philippe a reçu M. Delevoye ? La réponse tombe sous la forme d’une ellipse : le premier ministre, argumente un de ses conseillers, « n’a pas changé de ligne » depuis son intervention à l’Assemblée nationale, le 20 mars. Il avait alors certifié que la règle des 62 ans serait préservée, tout en disant qu’il faut s’interroger sur la nécessité de « travailler plus longtemps pour que le fruit de ce travail plus long finance [les] besoins considérables d’investissement et de prise en charge », liés au vieillissement de la population. Autrement dit, la question d’un report de l’âge n’est plus d’actualité, pour Matignon.
M. Delevoye est, au contraire, convaincu qu’une telle idée n’a pas été abandonnée. D’où les rumeurs grossissantes, ces derniers jours, sur l’éventualité d’un départ du haut-commissaire, qui se doublerait, très probablement, de la démission de tout ou partie de son équipe si ce scénario se matérialisait. L’atmosphère est pesante dans les bureaux que le haut-commissariat occupe, avenue Duquesne à Paris. « On voit bien que Delevoye est moins dans la discussion qu’avant », rapporte une des personnalités qu’il a reçues récemment. « On est à la croisée des chemins », juge Frédéric Sève (CFDT). Toute la question, maintenant, est de savoir à quel moment et dans quel sens M. Macron tranchera pour lever les incertitudes ambiantes.