Les utilitaires contraints de rouler plus vert
Les utilitaires contraints de rouler plus vert
Par Jean-Pierre Lagarde
Pour circuler en ville, fourgons et camionnettes, majoritairement voués au diesel, vont devoir passer à l’électrique.
Mercedes-Benz eVito / Daimler AG/Product Communica
Soumis à une fiscalité avantageuse et tenus à l’écart du scandale qui a touché les voitures carburant au diesel, les véhicules utilitaires semblaient ne pas devoir faire acte de rédemption et pouvoir poursuivre leur route sans contraintes ni obligations environnementales. A l’automne dernier, les instances européennes en ont décidé autrement. Les Etats membres de l’Union européenne se sont entendus en effet sur un objectif de réduction de 15 % des émissions de CO2 en 2025 et de 30 % en 2030 pour les véhicules utilitaires commercialisés par les constructeurs par rapport aux niveaux d’émissions de 2021, déjà abaissés à 147 g/km de CO2. Dans un proche avenir, fourgons et camionnettes devront donc fournir le même effort que les voitures particulières et abaisser considérablement leurs niveaux d’émission de dioxyde de carbone.
Mais à cette même période, comme les voitures particulières, les véhicules utilitaires vont devoir aussi montrer patte blanche pour pénétrer dans de nombreuses grandes villes. En 2024, tous les véhicules diesel seront interdits à Paris du lundi au vendredi de 8 h à 20 h dans toute la zone de circulation restreinte de même qu’au sein du Grand Paris, c’est-à-dire dans un périmètre délimité par le tracé de l’autoroute A86. L’objectif étant que plus aucun véhicule thermique ne circule dans cette zone dès 2030. Ces interdictions de circuler en fonction des pastilles Crit’air seront étendues également d’ici 2024 aux villes de Rouen, Reims, Strasbourg, Clermont-Ferrand, Lyon, Saint-Etienne, Toulouse, Montpellier, Aix, Marseille, Nice et Toulon.
Renault et Mercedes à la pointe
Autant dire que pour les constructeurs de véhicules utilitaires comme pour les entreprises ayant recours à ce type de véhicule commercial pour exercer leurs activités dans les villes, l’intérêt pour les énergies alternatives, et en particulier pour les véhicules électriques, va devenir vital. C’est ce que démontre une étude réalisée par l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi à l’échelle international. Au terme d’une enquête menée auprès de 3 300 propriétaires de petites entreprises et décideurs logistiques de diverses industries, il apparaît que les deux tiers d’entre eux prévoient que leurs flottes seront totalement électriques dans les vingt prochaines années, tandis que 50 % estiment que l’introduction totale de véhicules électriques dans leurs parcs se produira même dans moins de dix ans.
Chez Renault, on annonce que l’ensemble de la gamme d’utilitaires sera totalement électrique d’ici à 2022. Ce qui n’empêche pas la marque française de détenir déjà 46 % du marché européen du véhicule utilitaire électrique grâce, notamment, au Kangoo ZE, proposé désormais avec une autonomie de 200 km. Comme l’explique Philippe Diviné, directeur de la stratégie véhicules utilitaires de Renault, « l’an passé, le Kangoo ZE ne s’est pas contenté d’être le numéro un et de doubler ses ventes en proposant une plus grande autonomie ; pour la première fois, hors subventions à l’achat, ce modèle s’est montré plus rentable à l’usage face à son équivalent diesel pour une utilisation quotidienne de l’ordre de 200 km sur une période de cinq ans ».
Un succès qui devrait perdurer car aucun modèle concurrent doté d’une autonomie comparable ne pointe à l’horizon. La seule opposition proposée est celle de Mercedes. « Nos clients nous demandent des solutions pour leur permettre de poursuivre leur activité de livraison dans le cœur des villes. Et sur le court terme, cette demande porte essentiellement sur des véhicules électriques, explique Stéphane Renault, directeur marketing Mercedes Vans. Ces professionnels réalisent en moyenne moins de 100 km par jour. Leurs craintes en termes d’autonomie sont donc moins élevées que pour la clientèle des particuliers. D’autant que les entreprises connaissent leurs tournées et sont capables de les modifier. »
Cet été, Mercedes lancera le e-Vito, c’est-à-dire la version 100 % électrique de son fourgon compact. Avec 1 000 kg de charge utile et d’une autonomie de 150 km, le constructeur allemand estime que le e-Vito sera plus intéressant en termes de coûts d’utilisation que la version thermique. Sa commercialisation sera suivie en fin d’année par le lancement du e-Sprinter, la version électrique de l’utilitaire lourd de Mercedes. Celui-ci viendra concurrencer dans cette même catégorie le Renault Master ZE, le Volkswagen e-Crafter et le MAN eTGE qui vient de faire son entrée dans le parc de SNCF Réseau. Sur ce même segment d’utilitaires électriques, on signalera la production en France de l’Electron II par le carrossier Gruau, un utilitaire électrique déjà commercialisé en version benne, frigorifique ou fourgon.
Une offre de modèles qui manque encore un peu de relief et qui explique la performance des ventes de véhicules électriques l’an passé. Si elles ont progressé de + 35 %, celles-ci n’ont représenté que 8 100 unités sur un total de 457 600 immatriculations de véhicules utilitaires en France.