Euclide Tsakalotos, le ministre grec des finances, lors de l’Eurogrope du 22 mai à Bruxelles. | EMMANUEL DUNAND / AFP

Le site grec d’informations financières Euro2day a réussi un joli scoop ces derniers jours, avec la mise en ligne des minutes de l’Eurogroupe, la réunion des ministres des finances de la zone euro, du lundi 22 mai. Une réunion cruciale, censée déboucher sur le feu vert pour un nouveau prêt à la Grèce et des mesures d’allégement de l’énorme dette publique hellène.

L’Eurogroupe s’est soldé par un échec, malgré dix heures de discussions à huis clos. Les grands argentiers européens doivent trouver un accord le 15 juin, sinon Athènes se retrouvera à nouveau au bord du défaut de paiement (le pays doit plus de 7 milliards d’euros à ses créanciers début juillet).

La conversation dévie très vite

Les minutes sont très éclairantes. Elles montrent à quel point la Grèce est prise en otage par l’affrontement entre le Fonds monétaire international (FMI) et une série de « faucons » européens (Allemagne en tête), qui n’a plus grand-chose à voir avec la crise traversée par le pays depuis 2010.

La séance du 22 mai débute par un état des lieux dressé par Pierre Moscovici, le commissaire à l’économie. La Grèce, dit-il, a accompli « 104 » des 140 « actions prioritaires » exigées par ses créanciers dans le cadre du troisième plan d’aide au pays (déclenché à l’été 2015), elle a réalisé « des efforts considérables ». Thomas Wieser, président des réunions préparatoires de l’Eurogroupe, précise le calendrier. Si les ministres trouvent un accord ce lundi, le prêt pourrait être validé le 15 juin et le chèque versé « dans la deuxième partie de juin ».

Mais la conversation dévie très vite. Le FMI va-t-il enfin se décider à participer au troisième plan d’aide ? Il hésite depuis deux ans. En face, les Allemands, représentés par le très écouté ministre des finances Wolfgang Schäuble, exigent sa présence, mais renâclent sur l’allégement de la dette grecque réclamée par le Fonds.

Douche froide

Mais la déclaration de Poul Thomsen, le responsable Europe du FMI, fait l’effet d’une douche froide. « Je suis très loin d’être en mesure de dire à mon conseil d’administration que l’on s’approche d’une stratégie que nous pouvons soutenir. » Il juge encore les scénarios grecs de croissance élaborés par la Commission trop optimistes, et les efforts des Européens sur la dette, pas assez conséquents.

M. Schäuble insiste :

« La présence du FMI est constitutive des plans d’aide à la Grèce. Sans cela, je devrais demander un nouveau mandat [au Bundestag] pour un nouveau plan d’aide et cela ne marchera pas. »

Jeroen Dijsselbloem, le président de l’Eurogroupe, tente un compromis :

« Je demande au FMI […] de proposer un plan d’aide à la Grèce devant son conseil d’administration. Même si les prêts [du Fonds] ne peuvent pas avoir lieu avant que la question de la dette soit réglée. »

M. Thomsen ne ferme pas la porte. Mais les autres se rebiffent.

Bruno Le Maire, le ministre français de l’économie, aurait préféré de la « clarté » de la part du FMI :

« Tant que [le Fonds] n’est pas à bord, la BCE ne pourra pas faire bénéficier [la Grèce] de sa politique de quantitative easing [rachat massif de bons du Trésor]. »

C’est pour cette dernière raison qu’Euclide Tsakalotos refuse le compromis. Se disant « déçu », le ministre grec des finances lance :

« C’est le manque d’investissement qui explique la stagnation de l’économie grecque et, pour changer cela, nous devons envoyer un signal fort aux marchés. »

Les minutes démontrent que l’Eurogroupe dispose d’un pouvoir exorbitant sur le destin de certains pays membres. On apprend qu’il table sur une croissance grecque de 1 % sur les quarante prochaines années, qu’on y négocie un surplus primaire (excédent public hors paiement des dettes) de 3,5 % jusqu’en 2022, puis de 2 % après. Qu’on y organise la mise sous tutelle budgétaire d’un pays de 10 millions d’habitants…