En Algérie, qui pour assurer l’intérim de Bouteflika ?
En Algérie, qui pour assurer l’intérim de Bouteflika ?
Le Monde.fr avec AFP
Selon la Constitution, c’est au président du Conseil de la nation qu’incombe la charge de remplacer le chef de l’Etat, mais les manifestants s’y opposent.
Une pancarte représentant Abdelkader Bensalah, président du Conseil de la nation, Tayeb Belaïz, président du Conseil constitutionnel, et Noureddine Bedoui, premier ministre, lors d’une manifestation à Paris, le 7 avril 2019. / JACQUES DEMARTHON / AFP
Qui assurera l’intérim d’Abdelaziz Bouteflika en Algérie ? Alors que le Parlement doit entériner le processus, mardi 9 avril, le remplaçant désigné par la Constitution, Abdelkader Bensalah, incarnation d’un « système » dont les Algériens veulent se débarrasser, devrait passer la main.
Une semaine après la démission de M. Bouteflika, le 2 avril, sous la pression conjuguée de la rue et de l’armée, les parlementaires de l’Assemblée populaire nationale (APN, chambre basse) et du Conseil de la nation (chambre haute) sont convoqués, mardi matin, pour acter la « vacance » à la tête de l’Etat. Ils doivent ensuite charger, conformément à la Constitution, le président de la chambre haute, poste occupé actuellement par M. Bensalah, d’assurer l’intérim à la tête de l’Etat pendant quatre-vingt dix jours.
Mais vendredi, jour de manifestations hebdomadaires depuis plus d’un mois, les Algériens ont de nouveau défilé en masse pour exiger que soient exclus du processus de transition les hommes clés du « système ». Un trio a été particulièrement visé : Abdelkader Bensalah, Tayeb Belaïz (le président du Conseil constitutionnel) et Noureddine Bedoui (le premier ministre).
Trouver « un homme consensuel »
Le Mouvement de la société pour la paix (MSP, 34 députés sur 462), principal parti islamiste et longtemps soutien du camp Bouteflika avant de rompre en 2012, a indiqué qu’il boycotterait mardi la session parlementaire, refusant de « valider la désignation d’Abdelkader Bensalah comme chef de l’Etat par intérim », car « contraire aux revendications du peuple ».
L’appel des manifestants semble avoir été entendu puisque dimanche, l’édito du quotidien gouvernemental El Moudjahid, traditionnel vecteur de messages du pouvoir en Algérie, a suggéré d’écarter M. Bensalah de la présidence par intérim en lui trouvant un remplaçant pour présider la chambre haute. « Il faudrait trouver le plus tôt possible une solution à la question de la présidence du Conseil de la nation, du moment que l’actuelle figure ne semble pas être tolérée par le mouvement citoyen », a prôné El Moudjahid. Le journal a suggéré de trouver « un homme consensuel qui ait l’étoffe et le sens de l’Etat », sans s’avancer sur un nom.
Problème : le chef d’état-major de l’armée, le général Ahmed Gaïd Salah, de facto le nouvel homme fort du pays, exige que la succession de M. Bouteflika se fasse dans le strict cadre de la Constitution. Celle-ci prévoit que le président du Conseil de la nation transmette le pouvoir avant l’expiration d’un délai de 90 jours à un nouveau chef de l’Etat élu lors d’une présidentielle. Le mouvement de contestation réclame, lui, de sortir de ce cadre pour mettre sur pied des institutions de transition permettant d’engager des réformes profondes et d’organiser des élections libres.
Nécessité d’un « passage en douceur »
En cas de retrait, de plus en plus probable, de M. Bensalah, ce serait son successeur à la tête de la chambre haute qui prendrait l’intérim. Mais « toute personne issue du Conseil de la nation sera rejetée par la rue », souligne Rachid Grim, enseignant en sciences politiques à l’Institut supérieur de gestion et de planification d’Alger, interrogé par l’AFP. Si la présidence de la chambre haute était laissée vacante, la Constitution charge alors de l’intérim le président du Conseil constitutionnel, M. Belaïz, autre personnalité honnie par les manifestants.
« C’est là où il y a un vrai problème. L’armée tient à ce que la transition se fasse à l’intérieur de la Constitution et la rue veut que cela se fasse à l’extérieur de la Constitution. Si l’armée n’assouplit pas sa position, on va vers la rupture et la rue est difficile à maîtriser », s’inquiète M. Grim.
Lundi, l’édito d’El Moudjahid, passé au rythme des événements de porte-voix de la présidence à celui de l’armée, a répété que la « réussite de la transition nécessite un passage en douceur, graduel, sans heurt, de l’actuel système à un système nouveau […] afin d’éviter tout dérapage ». Le journal a toutefois évoqué une piste de compromis, avec la création d’« une commission indépendante » qui serait chargée de tout le processus électoral. « L’Armée nationale populaire ne tient pas du tout à jouer un quelconque rôle politique » dans la transition, affirme aussi le quotidien d’Etat.
Notre sélection d’articles pour comprendre la contestation en Algérie
La démission du président algérien Abdelaziz Bouteflika, le 2 avril, est une humiliante capitulation face à une population en révolte depuis la fin février. Le mouvement de protestation le plus important des deux dernières décennies en Algérie a poussé des dizaines de milliers de personnes dans les rues pour exprimer leur opposition à un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika.
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