Avant les Jeux olympiques, des Champs-Elysées métamorphosés ?
Avant les Jeux olympiques, des Champs-Elysées métamorphosés ?
Par Grégoire Allix
Les acteurs économiques de l’avenue ont proposé mercredi une transformation radicale de l’artère, espérant convaincre les candidats à la mairie de Paris.
Une image de synthèse présente le projet de transformation des Champs-Elysées par l’architecte Philippe Chiambaretta. / PCA-STREAM
Chasser les voitures, retrouver la promenade et la verdure, faire revenir les Parisiens : réunis au sein du Comité des Champs-Elysées, les puissants acteurs économiques de la célèbre avenue espèrent profiter de la magie des périodes préélectorales pour que de bonnes fées les aident à « réenchanter » ce symbole de la capitale à l’environnement dégradé, mal-aimé par ses habitants – et pris pour cible un samedi après l’autre lors des manifestations des « gilets jaunes ». Des violences symboliques de la « désacralisation » des Champs-Elysées, à en croire le président du Comité, Jean-Noël Reinhardt.
L’association a présenté mercredi 10 avril l’analyse et les préconisations de l’architecte Philippe Chiambaretta, chargé par le Comité de dessiner un avenir « durable et désirable » à ces 2 kilomètres de pavés étirés entre la Concorde et l’Arc de Triomphe – sans regarder à la dépense. « Ce ne sont pas quelques retouches qui vont répondre à la transformation dont les Champs-Elysées ont besoin, prévient M. Reinhardt. On nous dit qu’il y a des problèmes de budget, mais la ville a investi 10 milliards d’euros pendant cette mandature, j’aimerais bien savoir quelle infime part est allée aux Champs-Elysées ! »
De fait, c’est une refonte complète qu’esquisse Philippe Chiambaretta, épaulé par un bataillon d’experts de tout poil. Finis les pavés défoncés, les arbres à la coupe militaire et les huit files automobiles. Sur ses images prend forme une avenue apaisée limitée à deux fois deux voies de circulation, modulables selon l’heure de la journée. Un ruban antibruit longé par des pistes cyclables, bordé de larges terrasses ombragées sous des voûtes de verdure et rafraîchies par des filets d’eau courant sur le sol. Des jardins thématiques – enfants, sports, culture… – attirent les familles et les promeneurs, tandis qu’autour de l’Arc de Triomphe, un large parcours piéton se transforme en patinoire l’hiver ou en plage l’été…
Le remède est aussi drastique que le diagnostic est sévère. « Le génie des lieux, sur les Champs, c’est la promenade, or le XXe siècle a renversé cet ADN d’origine pour en faire la plus grosse autoroute de Paris intra-muros », observe l’architecte. Quelque 64 000 véhiculent se pressent chaque jour sur ses deux fois quatre voies : c’est l’un des axes les plus fréquentés, mais aussi les plus pollués et les plus bruyants de la capitale. Ses deux entrées, les places de la Concorde et de l’Etoile, sont des aspirateurs à voitures infranchissables par les piétons.
Le bas de l’avenue est entouré de 15 hectares de jardins, presque deux fois plus que le parc Monceau, mais vingt fois moins fréquentés que ce dernier… « Ces espaces verts sont morcelés, pas très bien entretenus, on a toujours l’impression qu’ils sont l’arrière de quelque chose. Ils sont difficilement accessibles et sans équipements, alors qu’il y a un siècle ils étaient aussi animés que le jardin du Luxembourg », analyse M. Chiambaretta.
Mais sur les Champs-Elysées, les Parisiens ne vont plus. Sur les 100 000 piétons qui déambulent chaque jour sur ses trottoirs, 72 % sont des touristes, 22 % des salariés du quartier… 39 % des habitants du centre de Paris ont une mauvaise image de l’avenue, selon une enquête réalisée par l’Ifop en février pour le Comité des Champs-Elysées. Plus on vit proche du centre, plus cette impression se dégrade… Les qualificatifs associés à l’artère par les habitants du Grand Paris sont en majorité négatifs : « Bruyante », « artificielle », « stressante », « dangereuse » plus souvent que « joyeuse », « conviviale » ou « paisible »…
« Il faut une volonté politique »
L’avenue incarne le luxe pour 48 % des Parisiens, bien plus que le commerce (15 %), les loisirs (4 %) ou la fête (4 %). D’où la nécessité, insiste M. Chiambaretta, de repenser l’offre culturelle de cet ouest parisien et de faire vivre, dans les rues situées en retrait des Champs, où les loyers sont moins prohibitifs, des commerces de proximité, des enseignes abordables, des marques françaises, des lieux de destination – une scène « off », façon Broadway, imagine l’architecte.
Une bonne partie de ces analyses et de ces pistes sont connues : elles figuraient dans un précédent état des lieux commandé en 2014 par le Comité des Champs-Elysées à l’architecte Jean-Paul Viguier. Bien peu ont été suivies d’effet. Leur actualisation par Philippe Chiambaretta rencontrera-t-elle plus d’écho ? Commerçants et grands propriétaires de l’artère veulent croire que l’échéance des Jeux olympiques, qui braquera des millions de regards sur « la plus belle avenue du monde », peut pousser la ville à l’action. « Il faut une volonté politique, c’est aux élus de s’en occuper : nous voulons que le sujet s’insinue dans la campagne des municipales », martèle M. Reinhardt, qui se prépare à faire la tournée des candidats, armé de sa boîte à idées.