Vue d’artiste de la sonde israélienne Bereshit. / SpaceIL

En sport, la quatrième place est souvent vue comme la pire de toutes. Il n’en va pas de même en matière d’exploration spatiale où le quatrième est toujours considéré comme un pionnier. Israël devrait donc s’enorgueillir d’ajouter son nom à la très courte liste (Russie, Etats-Unis, Chine) des pays qui ont fait se poser un engin sur la Lune. Sa sonde Bereshit doit se poser jeudi 11 avril à 22 heures (heure de Paris) dans la mer de la Sérénité, plaine basaltique située dans l’hémisphère nord du satellite de la Terre.

En hébreu, Bereshit signifie « Au commencement ». C’est le premier mot de la Bible. Au commencement, donc, il y avait un concours spatial organisé par Google, le Google Lunar X Prize. Les participants devaient expédier sur la Lune un robot capable d’y parcourir cinq cents mètres et de renvoyer des images ainsi que des données. Le premier récoltait un prix de 20 millions de dollars (17,8 millions d’euros environ). Malheureusement, sur la trentaine de compétiteurs engagés, aucun ne parvint à lancer un engin avant la date limite, fixée au 31 mars 2018, et le prix ne fut jamais attribué.

« Une affaire de prestige et de fierté pour Israël »

Malgré cela, certaines équipes ont poursuivi leur projet. C’est le cas de la société israélienne SpaceIL avec Bereshit qui a décollé, le 22 février, de Cap Canaveral (Floride). Ainsi que l’explique Francis Rocard, responsable des programmes d’exploration du Système solaire au Centre national d’études spatiales (CNES), « c’est surtout une affaire de prestige et de fierté pour Israël. La sonde a trois petites “manips” – un magnétomètre, une caméra et un rétroréflecteur [destiné à renvoyer un rayon laser tiré depuis la Terre pour mesurer avec précision la distance qui nous sépare de la Lune] – mais l’objectif scientifique reste secondaire. C’est plus symbolique qu’autre chose. »

Ce qui, en revanche, devient très concret avec l’alunissage de Bereshit, c’est la capacité de l’acteur israélien à répondre aux appels d’offres qu’ouvre la NASA dans le cadre de son programme Commercial Lunar Payload Services (CLPS). L’agence spatiale américaine a en effet décidé en 2018 qu’elle était « prête à déléguer à des sociétés privées la partie “petits atterrisseurs” de son programme lunaire, avec beaucoup d’argent sur la table, décrypte M. Rocard. CLPS est doté d’un budget de 2,6 milliards de dollars répartis sur dix ans. »

Alors que l’administration Trump la presse de mettre les bouchées doubles sur ses programmes lunaire et martien, afin d’envoyer des Américains sur notre satellite en 2024 et sur la planète rouge en 2033, la NASA a besoin de multiplier les recherches appliquées sur la Lune. Elle veut notamment savoir quelle quantité d’eau se trouve dans le sol et comment il sera possible de l’exploiter. L’idée est en effet d’installer en orbite lunaire une grande station spatiale qui serait plutôt une station-service : l’eau lunaire fournirait l’oxygène et l’hydrogène liquides qui alimenteraient les moteurs d’un vaisseau martien. Pour les acteurs privés du spatial, l’Eldorado de demain sera donc sur la Lune.

En attendant, la sonde Bereshit ne devrait y travailler que quelques jours. Les composants les plus fragiles du petit vaisseau ne résisteront pas à la fournaise puis au froid intense qui, toutes les deux semaines, alternent sur la mer de la Sérénité, pas si sereine que cela.