Hip-hop : « Rize », la rage du krump
Hip-hop : « Rize », la rage du krump
Par Catherine Pacary
Le film de David LaChapelle ouvre la vaste programmation que la chaîne et Arte.tv consacrent à la culture hip-hop.
« Aucune image de ce film n’a été accélérée », prévient une incise en introduction du documentaire. / DAVID LACHAPELLE / ARTE
« Culture » « hip-hop », deux mots que d’aucuns peuvent encore juger antinomiques. En deux films, quatre concerts, quatre webséries documentaires inédites, autant de rediffusions, et même une série radiophonique, Arte – chaîne culturelle par essence – les réconcilie définitivement.
Cette programmation exceptionnelle débute par le documentaire Rize, tourné en 2004 par David LaChapelle, photographe de stars américain, découvert en 1985 dans la revue Interview d’Andy Warhol, roi du pop art. Avant de s’intéresser aux clips vidéo.
C’est justement en tournant l’un d’eux, Dirrty, pour Christina Aguilera en 2002, que David LaChapelle découvre de jeunes adeptes du strippin’– parodie très rapide d’un strip-tease. Sensible au rap depuis qu’il a croisé Tupac Shakur, le rappeur, poète et comédien tué en 1996 à l’âge de 25 ans, il décide de les filmer chez eux, dans South Central, le ghetto du cœur de Los Angeles.
« Aucune image de ce film n’a été accélérée », prévient une incise en introduction de Rize, comme pour amortir le choc visuel du public découvrant les corps luisants et sensuels des danseurs. Personnage central, Tommy the Clown, ancien dealer repenti, gagne sa vie en dansant lors des goûters d’anniversaire. De ses chorégraphies naîtra le clowning. Suivront Miss Prissy, égérie du nouveau hip-hop, et Lil’ C, adepte du krumping. Cette danse-transe qui mime des combats « peut paraître agressive. Mais c’est un bon moyen d’évacuer ton agressivité quand tu traverses des difficultés », explique un krumper. Les « difficultés », ce sont la drogue, la violence, la guerre des gangs… Une balle perdue est si vite mortelle.
BANDE ANNONCE RIZE / DAVID LACHAPELLE
Durée : 01:39
Une histoire urbaine
Ces thèmes, on les retrouve en France, où le mouvement hip-hop touche les jeunes adolescents depuis le début des années 1980. Cette histoire urbaine est racontée en quatre séries et autant d’angles originaux sur Arte.tv. L’une d’elles, « La Vraie histoire de “H.I.P. H.O.P.” » (Fr., 2019, 10 x 7 min), revient ainsi sur l’émission qui a fait tousser, le dimanche après-midi, dans un PAF plutôt alors habitué au « Club Dorothée » et à « L’Ecole des fans », animé par Jacques Martin durant trente ans. Une longévité que ne connaîtra pas Sidney, premier présentateur noir de la télévision française, puisque « H.I.P. H.O.P » s’arrêtera après deux saisons.
Dans un autre style, « French Game » (Fr., 2019, 11 x 6 min) consacre son premier épisode à NTM, né en 1990, à un siècle où il n’était pas toujours possible de développer à voix haute l’acronyme du groupe. Aujourd’hui, « la poésie des textes », vantée par la douce voix féminine du commentaire, précède « Nique ta mère avec force ! », hurlé par un fan du groupe. Joey Starr (22 ans), leader de la formation avec Kool Shen, provoque gentiment : « On a un but, mort aux bâtards. » Le reportage rappelle que NTM, c’était surtout des basses, des graves uniques, fruits du travail de Kirk Yano, ingénieur du son new-yorkais.
Parmi cette programmation pléthorique, signalons encore MC Solaar (épisode 2) et Doc Gynéco (épisode 4), représentants d’une alternative « cool » de la musique urbaine ; et « Saveur bitume : quand le rap est engagé » (Fr., 2019, 10 x 6 min), qui revient sur les combats politiques et sociétaux de ces artistes qui ont fait du rap en quarante ans « la musique préférée des Français ». CQFD.
Rize, de David LaChapelle (EU, 2005, 84 min), sur Arte.tv jusqu’au 15 mai. Suivi du concert du 1er festival Paris Summer Jam, avec N*E*R*D, le 24 août à La Défense Arena (55 min) ; et de Dans le club : nuit hip-hop à 1 h 35 et en replay jusqu’au 10 juillet.