Un collectif appelle à la création d’une « assemblée citoyenne » de Gilets citoyens
Un collectif appelle à la création d’une « assemblée citoyenne » de Gilets citoyens
Par Aline Leclerc, Claire Legros
La démarche est soutenue par le réalisateur Cyril Dion, l’économiste Laurence Tubiana ou encore une des figures médiatiques des « gilets jaunes » Priscillia Ludosky.
Ils ont décidé de changer de braquet et surtout de méthode. Sans attendre les annonces d’Emmanuel Macron censées clore le grand débat, un collectif lance la création d’une assemblée de citoyens tirés au sort, représentatifs de la société française.
Entreprise par Démocratie ouverte, une association de militants et praticiens de la démocratie participative, la démarche est soutenue par un collectif d’une centaine de personnes de tous horizons dont Cyril Dion, coréalisateur (avec Mélanie Laurent) du film Demain, l’actrice Marion Cotillard, très investie dans la défense de la planète, l’économiste Laurence Tubiana, négociatrice de la COP21, le professeur de science politique Loïc Blondiaux ou encore Priscillia Ludosky, l’une des figures médiatiques des « gilets jaunes ».
Baptisé Gilets citoyens, ce collectif avait déjà écrit le 23 janvier une lettre ouverte au président de la République pour recommander la mise en place d’une telle assemblée. Tout en « s’enthousiasmant » de l’idée du grand débat comme « occasion d’inventer collectivement de nouvelles pratiques démocratiques », les signataires y déploraient « la précipitation, le manque d’engagement et de transparence » du processus.
La synthèse proposée lundi par le gouvernement a fini de les convaincre qu’il fallait agir pour que le processus démocratique amorcé « ne finisse pas en eau de boudin ».
« On entend dire “les Français ont dit que”, alors que moins de 2 % ont contribué au grand débat. On voit bien que ce n’est pas représentatif, remarque la coprésidente de Démocratie ouverte, Mathilde Imer. On risque par ailleurs de n’avoir pour résultat que des annonces de court terme alors qu’il faudrait au contraire s’attaquer aux sujets de fond. »
Formés par des experts « de façon contradictoire »
Si elle voit le jour, cette assemblée citoyenne délibérative serait composée d’au moins 100 personnes, tirées au sort selon la méthode des quotas, afin d’être représentative de la société française. Elle devra travailler à chercher des solutions sur trois sujets : la mise en œuvre d’un référendum d’initiative citoyenne (RIC), la transition écologique et la justice fiscale. Ses membres seront formés par des experts « de façon contradictoire » pendant « au moins trois week-ends » avant de délibérer sur les propositions qui pourront ensuite être soumises à référendum.
« La création d’une assemblée citoyenne figurait parmi les premières revendications que nous avons portées sur notre page La France en colère, souligne Priscillia Ludosky. C’est ça qu’il aurait fallu créer en janvier, à la place du grand débat. »
Si une telle initiative est inédite en France à cette échelle, des expériences d’assemblées nationales citoyennes ont déjà été menées dans plusieurs pays, avec un certain succès. En Irlande, un processus de ce type a conduit à modifier deux articles de la Constitution en faveur du mariage homosexuel et de l’avortement.
« Le processus y a aussi commencé par une assemblée citoyenne organisée à l’initiative de la société civile, souligne Cyril Dion. Et c’est à l’issue des débats que le gouvernement s’est engagé. Il a bien vu l’intérêt de ce dispositif sur des sujets conflictuels pour lesquels il n’avait pas vraiment de solution. »
Des « lignes rouges »
De nombreuses inconnues demeurent. Quelle sera la réaction des personnes contactées par tirage au sort ? Pour les conférences régionales organisées dans le cadre du grand débat, les organisateurs se sont heurtés à de nombreux refus. Et surtout, quel rôle voudront jouer les pouvoirs publics dans la démarche ? Les membres du collectif veulent proposer à Emmanuel Macron d’accompagner le dispositif, qui nécessite un budget de « plus de 1 million d’euros ». Dans la foulée de leur lettre de janvier, ils ont été reçus par des conseillers de l’Elysée.
Mais le collectif tient à ce que des « lignes rouges » soient respectées : la représentativité de l’assemblée, un temps de discussion minimum et l’absence « d’interférence gouvernementale dans le choix des sujets comme des garants ». « Si le processus est tordu ou altéré, nous en sortirons », prévient Cyril Dion.
Le collectif des Gilets citoyens lance dès aujourd’hui un appel à la « mobilisation la plus large possible » en faveur de son projet, pour inciter l’exécutif à soutenir le processus. En cas de refus, le collectif prévoit de lancer un appel à financement participatif au début de l’été. « On ira, quelle que soit la réponse du gouvernement, affirme Mathilde Imer. On a les premiers financements, on a la méthodologie, on est prêts. » Le tirage au sort est prévu en août pour un premier week-end de travail de cette assemblée à l’automne.
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