Sur les quais de Seine : « Je préfère prier que me mettre en colère »
Sur les quais de Seine : « Je préfère prier que me mettre en colère »
Par Jean-Baptiste Chastand
Avec l’incendie de Notre-Dame, les catholiques pleurent un « symbole vivant » de leur foi, un lieu de « réconciliation », mais aussi un morceau de l’histoire de France.
Incendie de Notre-Dame : les pompiers applaudis
Durée : 01:35
Comment un aussi petit nuage de fumée a pu déclencher un tel désastre ? Cette voisine de la cathédrale Notre-Dame brandit sur son téléphone les premières photos de l’incendie, prises juste après 18 h 50 depuis son appartement qui donne sur la toiture. Il s’agit alors à peine d’un tout petit début d’incendie s’échappant de quelques tuiles. Moins d’une heure plus tard, vu de sous le pont de l’archevêché où elle s’est réfugiée, c’est l’ensemble de la toiture de Notre-Dame qui est en flamme.
Le curé Olivier de Cagny, accouru en courant depuis l’église voisine de Saint-Louis en l’Ile, est effondré. « C’est horrible j’étais en train de célébrer la messe quand des paroissiens m’ont prévenu. » Notre-Dame en flamme c’est un désastre « pour nous », les catholiques, et pour lui, qui a été ordonné ici-même : « C’est là où on rencontre notre évêque, une messe avec lui devait justement y avoir lieu mercredi soir. » Escortés par des vedettes de la police, les derniers bateaux-mouches passent devant les flammes en continuant de faire tourner le disc de présentation des monuments devenu parfaitement absurde face au spectacle qui captive tous les yeux et les écrans de smartphone.
Un contenu de cette page n'est pas adapté au format mobile, vous pouvez le consulter sur le site web
Des personnes se sont réunies pour prier en assistant à l’incendie de Notre-Dame de Paris, le 15 avril. / Christophe Ena / AP
Yeux embués
Devant les yeux embués du curé, les pompiers semblent totalement inutiles. Quelques-uns sont bien montés en haut de la façade du transept sud. Accrochés à un chemin de ronde, ils arrosent des flammes cent fois plus grandes qu’eux. D’autres ont déployé une nacelle depuis le bord de la Seine et pulvérisent de l’eau qui ne semble même pas atteindre les flammes.
Progressivement, la toiture se fait manger. Parties du bas de la flèche, les flammes gagnent le chœur. C’est là que la charpente s’effondre d’abord. « Wow », entend-on au bord de la Seine, brisant le silence jusqu’ici à peine ponctué de sirènes. Un peu plus tard, re-« wow ». Cette fois-ci, c’est l’impressionnante flèche avec sa croix au sommet. Au moins, les hommes semblent à l’abri. Les pompiers pourront-ils redescendre ? « Normalement il y a des escaliers dans la tour, s’ils sont protégés », lâche le curé qui connaît particulièrement bien cette charpente qu’il avait visité il y a quelques temps, ébloui « par les poutres du XIIIe siècle ».
Pour les ouvriers, « le chantier s’arrête vers 17 heures ». Pour les touristes, « Notre-Dame ferme à 19 heures ». Des gens l’interrompent pour lancer une cagnotte Leetchi, des fiancés de l’Ile-Saint-Louis lui envoient des messages. Un peu plus loin, un passant assure à qui veut l’écouter qu’il s’agit d’une nouvelle « persécution contre les chrétiens ». « Théorie du complot », rétorque un autre.
Progressivement, les badauds du monde entier accourent. On entend du français, de l’anglais, du chinois et d’autres langues encore. Dans un coin, une petite femme prie en pleurant. « Je ne suis pas une chrétienne très fervente mais je prie tous les anges et les archanges, et la Vierge Marie de venir éteindre le feu. Je préfère prier que me mettre en colère. Comment est ce possible que quelque chose comme ça se produise ? », explique Monique Jacob, venue du 13e arrondissement à pied. La nuit tombe, il n’y a plus qu’une lueur orange au cœur des solides façades de pierre. Les pompiers sont enfin parvenus à déployer des lances à incendie suffisamment puissantes pour les atteindre. Au dessus, subsiste seulement l’échafaudage métallique, qui a remplacé huit siècles de charpente en bois.
La Fondation du patrimoine lance, mardi, une « collecte nationale »
Quelques heures après le déclenchement de l’incendie qui ravage, lundi 15 avril, la cathédrale Notre-Dame de Paris, la Fondation du patrimoine a annoncé qu’elle allait lancer, dès mardi, une « collecte nationale » pour la reconstruction de l’édifice.
« Pour répondre à de multiples demandes, la Fondation du patrimoine a décidé de lancer une collecte nationale pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris », écrit la fondation dans un communiqué.
Devant l’afflux de connexions sur son site internet, la fondation a communiqué dans la soirée l’adresse d’un autre site, sur lequel les dons étaient possibles dès lundi soir : https://don.fondation-patrimoine.org/SauvonsNotreDame/
Notre-Dame de Paris : les images de l’incendie
Durée : 01:28