« La Camarista » : une femme de chambre dans de beaux draps
« La Camarista » : une femme de chambre dans de beaux draps
Par Murielle Joudet
Inspiré de l’œuvre de Sophie Calle, « Suite vénitienne », le film de Lila Avilés se teinte d’une fantaisie douce, au gré des diverses rencontres de son héroïne.
La Camarista (« la femme de chambre ») s’inspire de l’œuvre de Sophie Calle, Suite vénitienne (1980) : l’artiste s’est faite embaucher comme femme de chambre dans un hôtel vénitien et, donnant libre cours à sa curiosité teintée de voyeurisme, elle a photographié les effets personnels des clients de l’hôtel. Le film de Lila Avilés se teinte de la même fantaisie douce qui se trouvait dans le travail de Sophie Calle et suit le quotidien d’Eve, une femme de chambre employée dans un grand hôtel en plein cœur de Mexico. Entre les gestes monotones qui consistent à laver et remettre en ordre les chambres, la femme de chambre se plaît à fouiner innocemment dans les affaires de la clientèle.
Mais La Camarista se libère vite de son influence première pour se balader le long d’une série de rencontres (avec un objet ou un personnage) : une cliente qui demande à Eve de garder son bébé pendant qu’elle prend sa douche, un autre, VIP, qui réclame sans cesse des produits d’entretien supplémentaires, ses collègues qui cherchent à lui vendre des bricoles pour arrondir leurs fins de mois ou encore un laveur de vitres devant lequel Eve exécute un pudique strip-tease. La camarista devient l’héroïne discrète et attentive d’un microcosme où différentes strates sociales (représentées par les étages de l’hôtel) cohabitent sans vraiment se croiser.
Observation attentive et amusée
Lila Avilés préfère l’observation attentive et amusée au misérabilisme qu’on pourrait attendre d’un tel sujet. Bien que témoignant d’un métier précaire et éreintant, le film l’observe sans pathos et y dévoile sa part de poésie, jouant sur la profondeur de champ, les focales, le son, filmant la blancheur immaculée des stocks de linge. La mise en scène (à la fixité un peu systématique) exalte un univers clos et aseptisé, mais aussi réconfortant – Mexico n’est là que comme une toile de fond que l’on entraperçoit derrière les larges baies vitrées.
On pourra toutefois reprocher à La Camarista, bout à bout de microfictions, de ne pas tout à fait savoir comment retomber sur ses pieds, mais on lui sait gré de ne pas faire appel à un retournement scénaristique qui mettrait brutalement fin à ses allures de rêve éveillé.
Film mexicain de Lila Avilés. Avec Gabriela Cartol, Teresa Sánchez (1 h 41). Sur le Web : www.facebook.com/bodegafilms et www.bodegafilms.com/film/la-camarista/