Non, le jeu vidéo « Assassin’s Creed Unity » ne servira pas à reconstruire Notre-Dame de Paris
Non, le jeu vidéo « Assassin’s Creed Unity » ne servira pas à reconstruire Notre-Dame de Paris
Par William Audureau
De nombreux médias se font écho de la possibilité de s’appuyer sur une production d’Ubisoft. Surestimant son degré de précision et de réalisme.
La reconstitution de Notre-Dame dans « Assassin’s Creed Unity » est magnifique, mais elle n’entre pas dans le niveau de détail dont auront besoin les architectes. / Ubisoft
L’idée est belle : la toiture de la plus célèbre cathédrale de France détruite, c’est en se basant sur un jeu vidéo que les entreprises de rénovation pourraient réussir à la rebâtir. Une affirmation qui a fait le tour de nombreux médias depuis le 15 avril, que ce soit sur le site économique américain Business Insider, le média britannique Metro, le quotidien belge Le Soir ou encore le média d’Etat russe Sputnik.
Derrière ce rapprochement, un double constat. D’une part, Ubisoft a sorti en 2014 un jeu se déroulant dans une reconstitution en 3D de Paris au XIXe siècle, Assassin’s Creed Unity. D’autre part, les équipes d’Ubisoft Montréal, et notamment l’artiste Caroline Miousse, ont travaillé durant plus d’un an pour reproduire le monument parisien de l’île de la Cité, qui est à la fois le plus grand bâtiment du jeu, le cœur de l’aventure et l’un des visuels les plus poussés par Ubisoft dans sa communication.
De quoi permettre aux futurs architectes de reconstituer la cathédrale ? Ce serait une belle histoire, mais, en pratique, c’est impossible. Comme l’explique au Monde Cédric Gachaud, PDG de Life3D, l’entreprise qui a modélisé la cathédrale pour les besoins des rénovations qui étaient en cours au moment de l’incendie :
« Les gens derrière “Assassin’s Creed Unity” ont fait un travail bluffant. Mais ce sont des graphistes, très performants, qui travaillent sur la base de photographies, de plans qu’ils récupèrent. Ils cherchent un visuel cohérent. Mais si une statue fait deux mètres de plus que dans la réalité, ce n’est pas important pour eux. Nous, on va chercher de la précision millimétrique, on travaille avec des ingénieurs, des analystes données. »
Ceux-ci travaillent non pas sur de la documentation photo, mais avec des outils de prise de mesures et de reconstitution spécialisés, comme des scanneurs lasers, conçus pour apporter la précision dont un architecte a besoin, là où un infographiste est davantage dans des problématiques de ressemblance visuelle et de puissance évocatrice.
« Une belle liberté artistique »
Interrogé par le journal québécois La Presse, l’historien Maxime Durand, qui a travaillé sur le jeu d’Ubisoft en 2014, reconnaît que la cathédrale Notre-Dame de Paris d’Assassin’s Creed Unity n’est pas une pure reconstitution. « Le monument qu’on a recréé comporte une belle liberté artistique… Je ne pourrais pas m’avancer à dire que ceux qui vont reconstruire s’intéresseront nécessairement à notre modélisation. » Le jeu s’était permis de nombreuses entorses à la réalité historiques dans sa reconstitution, afin de proposer un Paris iconique, à défaut d’être authentique.
D’autant que, dans un jeu vidéo, les artistes reproduisent des volumes creux : la 3D est constituée de polygones qui s’agencent en eux mais n’ont pas de structure intérieure propre, un personnage de jeu vidéo n’étant pas censé passer à travers un mur ou un toit. Or, pour recréer la toiture, les artisans auront justement besoin de s’appuyer sur une documentation qui ne se contente pas de l’apparence extérieure et intérieure du monument, ses parties visibles, mais également la structure interne de sa charpente.
Ce travail-là, des reconstitutions professionnelles d’architectes ou d’historiens l’ont déjà fait en détail, avec un niveau de précision relevant du centimètre, voire du millimètre. L’une d’entre elles a même été réalisée pour le compte des travaux de rénovation qui débutaient quand l’incendie s’est déclaré.
Cela n’empêchera pas Ubisoft de participer, à sa manière, à l’effort de reconstruction : l’éditeur français a annoncé un don de 500 000 euros pour la restauration de Notre-Dame de Paris.