Coupe d’Europe de rugby : l’immense défi irlandais d’un Stade toulousain renaissant
Coupe d’Europe de rugby : l’immense défi irlandais d’un Stade toulousain renaissant
Par Grégor Brandy
Le Stade toulousain a l’opportunité de jouer sa première finale européenne depuis 2010. Mais il faudra un exploit pour gagner à Dublin contre le Leinster, tenant du titre.
Les Toulousains contre Clermont, le 14 avril 2019. / PASCAL PAVANI / AFP
C’est une histoire d’amour qui dure depuis 2012, entre les clubs français et la finale de la Coupe d’Europe de rugby. Depuis six ans, le rugby tricolore a toujours été représenté lors de l’ultime match de la saison européenne. Dimanche à partir de 16h15, le Stade toulousain ira en Irlande pour tenter de perpétuer cette tradition, lors d’une demi-finale de choc contre le Leinster, épouvantail du rugby mondial et champion d’Europe en titre.
« Si on reste dans cet ordre établi, dans ce rugby chirurgical que maîtrise le Leinster et l’équipe d’Irlande, j’ai bien peur qu’ils aient un petit temps d’avance sur nous. » L’entraîneur principal de Toulouse Ugo Mola a planté le décor avec ce paradigme simple et parlant, qui renvoie au double affrontement entre les deux formations en phase de poules. L’enthousiasme toulousain avait eu raison de l’invincibilité record du Leinster (10 succès de suite) à l’aller (28-27). Mais le tenant du titre avait mis les choses au clair au retour en janvier, appliquant méthodiquement ses schémas de jeu (29-13) pour finir en tête du groupe. Trois mois plus tard, le Stade retente donc sa chance à Dublin.
Malgré un incroyable palmarès (quatre titres européens, 19 titres nationaux), Toulouse était loin de faire figure de favori pour jouer ce rôle en début de saison. Les rouges et noirs n’avaient plus atteint les demi-finales de la coupe d’Europe depuis 2011, un an après leur dernier titre continental, et leur dernier titre national remonte à 2012. Depuis, le club haut-garonnais a enchaîné les saisons moyennes, loin de ses standards, les éliminations en poule en coupe d’Europe et a même fini à une catastrophique douzième place du Top 14, la première non-relégable, en 2017.
Moins de deux ans plus tard, la renaissance du Stade toulousain se fait aussi bien dans le championnat national que sur la scène européenne, puisqu’il caracole en tête du Top 14, à quatre journées de la fin de la saison régulière.
Une transition délicate
Pour cela, le club toulousain a su retrouver une stabilité perdue au milieu des années 2010, et incarnée par les départs de deux historiques : son entraîneur, Guy Novès (en 2015) et son président René Bouscatel (en 2017). La transition aura donc été délicate (et s’est soldée par une absence des phases finales du Top 14 en 2017, la première en 41 ans), mais Toulouse a persévéré et semble aujourd’hui récolter les fruits de son travail.
Late Rugby Club - Toulouse : la Renaissance
Durée : 02:47
Cela s’explique notamment par les départs de cadres historiques du vestiaire et un retour à l’un des fondamentaux de la maison toulousaine : la formation et l’intégration au groupe pro de joueurs issus des équipes de jeunes. Le club a retrouvé son « jeu de mains, jeu de Toulousains » . « L’avantage c’est que ça nous permet d’avoir un discours et un rugby ressenti par tous avec la même sensibilité », se félicitait Ugo Mola en début d’année.
« Un rugby dynamique »
Cette identité de jeu très précise est résumée par L’Equipe dans une vidéo publiée sur leur site : « Elle est à base de jeu de mouvements, de jeu d’adaptation, d’un jeu où les trois-quarts et les avants sont capables de se mélanger et où on ne voit pas trop la différence entre les uns et les autres. Et d’un jeu de prise de risques aussi, jeu de contre-attaque, jeu de relance. »
C’est d’ailleurs ce que retenait Ugo Mola en conférence de presse, samedi :
« Comme vous pouvez le voir sur la compo, on a la chance d’avoir des garçons très polyvalents. Au même titre qu’à la charnière, on a ces deux garçons capables de dynamiser et d’accélérer le jeu, on a trois arrières de formation (Cheslin Kolbe, Maxime Médard, Thomas Ramos), un centre qui a joué à peu près tous les postes (Sofiane Guitoune). C’est cette polyvalence qui nous permet d’avoir ces choix-là, des choix parfois un peu marqués, parfois aventureux. On espère juste être en phase avec le rugby qui est le nôtre depuis onze mois. On a envie d’avoir ce rugby dynamique et Sébastien et Antoine nous permettent de l’avoir de manière totale. »
Le Leinster, test grandeur nature
Ce jeu retrouvé, c’est notamment ce qui a permis aux Toulousains de régner cette saison sur le Top 14, d’y enchaîner 14 matches sans la moindre défaite (un nouveau record), ou encore d’aller chercher cette place en demi-finale de coupe d’Europe. Réduits à quatorze dès le début de match contre le Racing 92 en quarts de finale, les hommes d’Ugo Mola ont trouvé les ressources pour sortir les Franciliens dans leur arène (22-21).
Reste désormais à savoir si cela sera suffisant face à une équipe du Leinster, championne d’Europe en titre et composée en grande partie de joueurs évoluant dans le XV irlandais, troisième meilleure nation du monde au classement du World Rugby. « Leurs actions peuvent changer en fonction d’où se trouvent les joueurs », se méfie d’ailleurs le manager du Leinster Leo Cullen, qui redoute les « dangereuses combinaisons » du club français.
« S’arrêter à ce stade de la compétition, ce serait bien mais pas suffisant pour satisfaire l’appétit de ces jeunes mecs », estime Mola à propos de sa classe biberon. L’ancien ailier international l’a martelé, son équipe vient sans pression et sortira de ce choc « encore meilleure ».