Sous pression, Samsung repousse la sortie de son smartphone pliable
Sous pression, Samsung repousse la sortie de son smartphone pliable
LE MONDE ECONOMIE
Certains « utilisateurs tests » du Galaxy Fold – journalistes et analystes – ont fait état de problèmes, notamment des écrans brisés ou présentant un affichage défectueux. Le smartphone devait sortir en France le 3 mai.
Le Galaxy Fold présenté à la presse, à Londres, le 16 avril. / Kelvin Chan / AP
Cette fois-ci, pas question de prendre le moindre risque. Près de trois ans après le fiasco du lancement du Note 7, qui avait dû être retiré du commerce trois mois après sa commercialisation à cause de batteries qui prenaient feu, Samsung a décidé de temporiser et de retarder le lancement de son dernier modèle, le Galaxy Fold. Ce smartphone d’un nouveau genre, avec son écran pliable, devait sortir le 26 avril aux Etats-Unis, puis le 3 mai dans d’autres pays dont la France. « Nous prévoyons de donner une date de sortie dans les semaines qui viennent », précise le groupe dans un communiqué publié lundi 22 avril.
La pression était forte, ces derniers jours, sur les épaules du numéro un mondial des fabricants de téléphones portables. Un certain nombre d’utilisateurs américains – des journalistes et des youtubeurs – à qui la marque avait fourni l’appareil en test, en amont de sa sortie, avaient rapporté des soucis avec le smartphone, dont l’écran se mettait à clignoter, quand il ne virait pas complètement au noir sur tout ou partie de sa surface.
Le groupe coréen joue la prudence
Samsung avait alors réagi en indiquant qu’il allait inspecter scrupuleusement les exemplaires défectueux. Pour sa défense, le fabricant pointait du doigt que certains utilisateurs avaient retiré la couche de protection de l’appareil, apposée sur l’écran. Une manipulation, non recommandée, qui pourrait expliquer les défauts d’affichage. Justification insuffisante cependant, puisque dans le cas d’un reporter de CNBC, celui-ci n’avait pas enlevé ladite couche de protection.
Les tests réalisés suite à ces retours négatifs ont manifestement incité la firme coréenne à la prudence. Lundi, admettant que le produit avait besoin d’« améliorations », elle a fait savoir qu’elle allait réaliser « des tests approfondis » et prendre « des mesures pour renforcer la protection de l’écran ». Les principales fragilités semblent se situer au niveau de la charnière de l’appareil. Le groupe évoque aussi un cas où des « substances trouvées à l’intérieur de l’appareil ont affecté la performance de l’écran ».
Pour Samsung, qui se targuait d’être le premier constructeur majeur à proposer des smartphones pliables, c’est un coup dur. Un lancement réussi du Galaxy Fold lui aurait assuré l’image d’un champion de l’innovation. Car l’appareil est réellement révolutionnaire : au premier abord, il ressemble à un smartphone classique, quoique un peu plus robuste, avec un petit écran en façade. Mais une fois déplié, le Galaxy Fold s’apparente davantage à une minitablette, très agréable pour regarder une vidéo, ou utiliser plusieurs applications simultanément.
Huawei pourrait en profiter
Au-delà des usages, l’appareil est d’une rare complexité technique, avec l’introduction de cet écran pliant dont Samsung assurait qu’il pouvait se plier et se déplier au moins 200 000 fois sans connaître de défaillances.
Même si nombre d’utilisateurs qui ont eu en main le smartphone avant son lancement en ont loué la qualité, ces quelques cas isolés de dysfonctionnement et la décision de Samsung de reporter la sortie du produit fragilisent désormais l’image du constructeur, et rappellent fatalement l’affaire du Note 7. Au moins, Samsung semble avoir tiré quelques enseignements de cet épisode catastrophique qui lui avait coûté plusieurs milliards de dollars et avait porté un coup sérieux à sa réputation. Mais la confiance du consommateur envers ce produit est immanquablement déjà altérée. Ce qui est particulièrement problématique pour un appareil dont le prix, en France, dépassera les 2 000 euros.
Ce contretemps pourrait évidemment faire le jeu des concurrents de Samsung, à commencer par son rival Huawei, qui clame son ambition de devenir, d’ici à trois ans, le premier constructeur mondial et qui doit lancer, cette année, son propre modèle de smartphone pliable, le Mate X. Plus prudent que Samsung, le chinois n’avait pas donné de date de sortie lors de la présentation de son produit au Mobile World Congress de Barcelone, en février. Plusieurs sites spécialisés spéculent, toutefois, sur une sortie avant l’été, et donc, pourquoi pas, avant Samsung.
Dans la compétition qui oppose les deux constructeurs, l’épisode qui se joue aujourd’hui n’a rien d’anodin. Thomas Husson, du cabinet Forrester, estime :
« L’enjeu n’est évidemment pas cette nouvelle catégorie de produit encore complètement niche, mais bien la capacité à innover. »
Et il ajoute : « ce type d’accident industriel peut avoir des effets dévastateurs sur la marque Samsung. » Surtout si Huawei démontre sa capacité à surmonter, de son côté, les défis des smartphones pliables.