A Alger, le 26 avril. / RAMZI BOUDINA / REUTERS

« La semaine prochaine, je ne viens pas. » L’adolescente souffle, sa mère sourit : « C’est
normal, elle est fatiguée. On est debout depuis 5 h 30 du matin. »
Chaque semaine, mère, fille et grand-mère quittent Boumerdès (45 km à l’est d’Alger) à l’aube pour arriver dans la capitale avant que l’entrée ne soit complètement bloquée par les barrages filtrants des forces de l’ordre. Elles marchent dans les rues du centre-ville plusieurs heures, avant de reprendre leur véhicule et de rentrer le soir. « C’est la dixième fois qu’on le fait, on fatigue. Mais c’est pour la bonne cause », souligne la mère de famille.

Vendredi 26 avril, plusieurs centaines de milliers de personnes ont à nouveau manifesté dans les rues d’Alger pour demander un changement de régime. La mobilisation qui dure depuis le 22 février était en recul dans la capitale, ainsi que dans d’autres villes du pays comme Constantine. « On sent que les gens perdent de l’énergie, s’inquiète Mohamed, 31 ans. Pourtant, on n’a rien gagné : on n’a toujours pas le droit de venir manifester dans la capitale ». Dans la matinée, Said Salhi, le vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme, s’est vu refuser l’entrée de la capitale par les forces de l’ordre. Il a fini par emprunter une route secondaire pour rejoindre la manifestation.

« On a dit qu’ils devaient tous s’en aller ! »

Comme la semaine précédente, l’accès au tunnel des facultés avait été interdit. Près de la Grande Poste, les clubs de supporters de foot se sont installés dans les escaliers et chantent à tue-tête. Dans le cortège qui descend la rue Didouche Mourad, les slogans visent désormais Ahmed Gaïd Salah, le chef d’état-major : « C’est lui le chef de la mafia », « Désolé Gaïd Salah, ce peuple n’est pas dupe, on a dit qu’ils devaient tous s’en aller ! »

Les arrestations récentes d’hommes d’affaires dans le cadre d’enquêtes préliminaires sur des affaires de corruption n’ont pas calmé la détermination des manifestants. « Bien sûr que les proches de Bouteflika sont toujours au pouvoir ! L’administration aussi est corrompue ! Ils veulent nous détourner de notre objectif », s’emporte Ahmed, 28 ans. Près de la place Maurice Audin, la foule chante à l’unisson : « Manifestations tous les jours, on ne s’arrête pas ». « S’il faut venir pendant le Ramadan, on sera là », ajoute Assia, venue avec ses deux filles.

Ce mois de jeûne, qui doit débuter aux environs du 6 mai, est une période pendant laquelle les activités ralentissent habituellement et les Algériens sortent dans les rues la nuit. « On sera là pendant le Ramadan, l’été, en juin, en juillet, on sera là, jusqu’à ce qu’ils partent tous », lance un jeune homme. Personne ne semble savoir à quoi pourraient ressembler les prochaines mobilisations, ni si les manifestations du vendredi après-midi seront maintenues.

« On perd du temps »

Une rencontre nationale entre des organisations de la société civile doit avoir lieu samedi 27 avril, mais certains participants ont déjà des craintes. « On a du mal à discuter, à être en confiance les uns envers les autres. On perd du temps et en face, le pouvoir s’organise », raconte un membre d’une association qui demande à rester anonyme.

Dans un rapport publié vendredi, le think tank International Crisis Group souligne que sans réponse aux demandes de changement, la mobilisation pourrait se renforcer, avec le risque de réponses plus répressives des autorités. « L’objectif serait de parvenir à un accord sur les grandes lignes d’une transition politique qui permettrait de rétablir la confiance et de prévenir l’entrée dans un cycle de violence incontrôlée », écrit l’organisation.

Notre sélection d’articles pour comprendre la contestation en Algérie

La démission du président algérien Abdelaziz Bouteflika, le 2 avril, est une humiliante capitulation face à une population en révolte depuis la fin février. Le mouvement de protestation le plus important des deux dernières décennies en Algérie a poussé des dizaines de milliers de personnes dans les rues pour exprimer leur opposition à un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika.

Retrouvez ci-dessous les contenus de référence publiés par Le Monde pour comprendre la crise que traverse le pays :

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