Au Japon, le changement d’ère réveille le souvenir du « bug de l’an 2000 »
Au Japon, le changement d’ère réveille le souvenir du « bug de l’an 2000 »
Par Corentin Lamy
Alors que le Japon s’apprête à connaître son premier changement d’ère en trente ans, mercredi, celui-ci pourrait avoir, à l’heure du tout informatique, des conséquences dans les entreprises et administrations du pays.
Des tampons permettent de mettre à jour les formulaires administratifs déjà imprimés. / Koji Sasahara / AP
Le passage, mercredi 1er mai, de l’ère impériale Heisei à l’ère Reiwa va nécessiter, au Japon, « une quantité de mesures incomparablement supérieure à celle qu’avait demandé le bug de l’an 2000 », selon Microsoft Japon, faisant référence à la panne informatique tant redoutée lors du passage à l’an 2000. L’abdication mardi de l’empereur japonais Akihito et l’accession au trône le lendemain du prince héritier Naruhito vont en effet marquer le passage à l’an 1 d’une nouvelle ère impériale.
Or, si dans un cadre privé les Japonais utilisent largement le calendrier grégorien, le calendrier impérial reste celui de l’administration. Tous les formulaires officiels, des feuilles d’impôt aux contrats de mariage, vont ainsi à partir de mercredi devoir se mettre à l’heure de l’ère Reiwa, après trente ans et cinq mois d’ère Heisei.
Les administrations n’ont donc eu que quelques semaines pour se mettre à la page, le nom de la future ère n’ayant été révélé que le 1er avril. Selon le quotidien japonais Asahi Shimbun, outre les formulaires, ce sont 576 systèmes informatiques gouvernementaux qui vont devoir être prêts pour le 7 mai, le septième jour de l’ère Reiwa mais son premier jour travaillé.
« Un impact énorme »
Selon le New York Times, la ville de Nagoya va, à elle seule, dépenser 3,85 millions d’euros pour se préparer à la nouvelle ère. Dans la ville de Koga, les employés municipaux ont, en préparant le changement, effacé 1 650 factures par erreur. La NHK, le service audiovisuel public japonais, rapporte en outre que des arnaqueurs profitent de la confusion pour se faire passer pour des employés de banque, afin d’extorquer aux Japonais les plus âgés certaines de leurs données personnelles.
Les administrations ne sont pas les seules concernées. En mars, le ministère de l’économie japonais estimait qu’un cinquième des entreprises du pays n’avaient pas encore commencé à prendre des mesures pour s’adapter au passage à la nouvelle ère. « Le changement d’ère va avoir un impact énorme sur les plus grosses sociétés, celles qui ont les systèmes les plus compliqués, a ainsi expliqué au New York Times Gaku Moriya, directeur adjoint de la division informatique du ministère de l’économie. Certaines sociétés japonaises utilisent les mêmes systèmes informatiques depuis deux ou trois décennies. »
Vers une occidentalisation ?
Pour les sociétés qui n’auraient pas le temps de se mettre à l’heure Reiwa d’ici à mercredi, le ministère de l’économie a une solution : des petits tampons de caoutchouc, fixés au bout de baguettes de bois, permettant de modifier les formulaires déjà imprimés.
Hanko 21, la société qui les fabrique, explique au New York Times avoir été en rupture de stock au bout de trois jours. Le mois de mars, qui marque la fin de l’année fiscale au Japon, est déjà « celui durant lequel nous sommes le plus débordés », explique Osamu Takiguchi, le PDG de Hanko 21. « Ça aurait été plus simple pour nous si le nom de la nouvelle ère avait été annoncé dès l’été dernier », comme il le fut un temps envisagé, avant que le gouvernement n’y renonce, par peur que ne se crée une confusion durant les mois de transition.
L’entreprise a elle-même dû se mettre à la page. Selon M. Takiguchi, les ordinateurs de Hanko 21 ont été mis à jour par une entreprise extérieure : « Il paraît que nos machines utiliseront désormais le calendrier occidental. Ils disent que ce serait trop compliqué de changer le système si l’ère venait à changer encore. » Au Japon, la question d’abandonner le calendrier impérial au profit du calendrier grégorien se pose en effet. Selon le quotidien de langue anglaise Japan Times, le ministère des affaires étrangères japonais envisagerait en effet de promouvoir désormais le système occidental, et de ne plus utiliser le calendrier impérial que pour ses documents internes.