Lors du discours de Juan Guaido, président autoproclamé par intérim, à Caracas, mercredi 1er mai. / Fernando Llano / AP

Que se passe-t-il au Venezuela ? Le pays a vécu, mardi 30 avril, une journée de très fortes tensions. Peu avant l’aube, le président autoproclamé par intérim, Juan Guaido, a annoncé dans une vidéo avoir lancé l’opération « Liberté », destinée à faire plier le régime de Nicolas Maduro. Une opération qui, à l’origine, était prévue le 1er mai.

Entouré de militaires sur la base aérienne de La Carlota, dans l’est de Caracas, Juan Guaido a annoncé la libération de l’opposant Leopoldo Lopez, qui se tenait à ses côtés sur la vidéo, et qui était en résidence surveillée depuis 2014 sous la vigilance du Service bolivarien d’intelligence (Sebin). Le président de l’Assemblée nationale a également appelé ses concitoyens à sortir massivement dans la rue pour faire cesser définitivement « l’usurpation » du pouvoir par Nicolas Maduro.

Des milliers de personnes sont alors sorties dans les rues de la capitale, faisant craindre une flambée de violence. Des échauffourées avec la garde nationale ont fait une soixantaine de blessés, selon l’ONG Foro Penal, surtout dans l’Etat de Zulia (frontalier avec la Colombie), et une centaine de personnes ont été arrêtées. Mais malgré les images fortes d’un véhicule blindé fonçant sur un groupe de manifestants pro-Guaido, non loin de La Carlota, l’effusion de sang redoutée a été évitée.

Mercredi, des milliers de personnes étaient de nouveau dans la rue, à l’appel de Juan Guaido, et des heurts avaient eu lieu entre des manifestants et la garde nationale bolivarienne.

  • S’agit-il d’un « coup d’Etat » ou d’un soulèvement pacifique ?

Minimisant les événements, Nicolas Maduro a qualifié l’action de Juan Guaido et d’un groupe de militaires d’« escarmouche putschiste ». Pour Juan Guaido, mardi était pourtant « le début de la phase définitive de l’opération Liberté pour que cesse l’usurpation ». « Nous avons vu que la pression, la protestation donnent des résultats », a-t-il ajouté.

Une « rébellion démocratique » et non un coup d’Etat, donc, puisque c’est au nom de la Constitution que Juan Guaido a été proclamé président par intérim par l’Assemblée nationale, contrôlée par l’opposition, et que Nicolas Maduro ne reconnaît pas.

La Constitution prévoit en effet que le président de l’Assemblée nationale prenne le pouvoir en cas de manquement du président de la République pour divers motifs : décès, incapacité physique ou mentale, démission ou destitution. Or, l’Assemblée nationale a déclaré « illégitime » le deuxième mandat de Nicolas Maduro et n’a pas reconnu sa prise de pouvoir le 10 janvier.

Dans ce cadre, les militaires décidant de se ranger du côté de Juan Guaido ne peuvent être considérés comme « déserteurs », puisque, selon l’opposition, ils ne font que défendre la Constitution et soutenir le seul président légitime, M. Guaido.

  • Combien de militaires se sont-ils rangés du côté de Juan Guaido ?

Il était encore difficile, mercredi, d’établir précisément le nombre de militaires ayant rejoint le mouvement de Juan Guaido. Celui-ci escomptait une participation massive des forces armées à sa « rébellion démocratique ». Les premières images de la base de La Carlota laissaient penser que de nombreux militaires l’avaient rejoint dans son opération « Liberté ». « Aujourd’hui, Maduro n’a plus le soutien des forces armées », a-t-il proclamé mardi.

M. Guaido a bien compté avec le soutien de quelques militaires pour faire sortir l’opposant Leopoldo Lopez de chez lui, et probablement de membres du Sebin qui le surveillaient. Le chef du Sebin, Manuel Ricardo Cristopher Figuera, a d’ailleurs été destitué mardi.

Mais le gros des forces armées n’a pas rejoint le président par intérim et continue d’être fidèle à Nicolas Maduro. Pour Juan Guaido, le fait que l’armée n’ait pas violemment réprimé les manifestations mardi est cependant le signe d’un changement progressif au sein des différentes unités de l’armée.

Des partisans du président Nicolas Maduro, devant le palais présidentiel, à Caracas, le 1er mai. / YURI CORTEZ / AFP

L’ambassadrice en France du président par intérim, Isadora Zubillaga, soutient qu’il existe un mouvement de fond au sein des forces armées : « Nous avançons un peu tous les jours, c’est un processus lent, mais irréversible, a-t-elle assuré mercredi. Cette opération est le début de la fin pour Nicolas Maduro, et la fin est proche. »

M. Maduro, lui, a assuré que la plupart des militaires qui ont soutenu l’action de Juan Guaido avaient été « trompés » et qu’ils ne représentaient qu’une infime minorité.

  • Quelle est, au juste, la stratégie de Juan Guaido ?

Mercredi, des milliers de personnes sont à nouveau sorties dans la rue à l’appel de Juan Guaido, qui a appelé à des « grèves échelonnées » à partir de jeudi, jusqu’à parvenir à une grève générale. « Il faut rester dans les rues, a-t-il dit à la foule venue l’acclamer à Caracas. Nous ne pouvons pas continuer à soutenir un régime corrompu. »

La stratégie de M. Guaido est donc celle des petits pas pour maintenir une pression constante. « Tous les jours, essayons de faire quelque chose de plus pour aller dans le sens du changement dans le pays », a-t-il dit mercredi.

Lors du discours de Juan Guaido à Caracas, mercredi 1er mai. / Fernando Llano / AP

L’idée, assure Mme Zubillaga, est, par ces actions, de « démontrer que le pays tout entier ne veut plus de Nicolas Maduro ». « Cela fait quatre mois [depuis la proclamation de Juan Guaido comme président par intérim, le 23 janvier] que nous avançons tous les jours en ce sens », assure-t-elle.

« [Nous] citoyens vénézuéliens avons une énorme responsabilité, ajoute-t-elle, chacun d’entre nous doit tenter de convaincre, un par un, les militaires, de se ranger du bon côté de l’histoire et de la Constitution, puis nous devons donner des garanties aux militaires qui le feront, comme par exemple la loi d’amnistie proposée par Juan Guaido. »

  • Pourquoi l’opération « Liberté » a-t-elle eu lieu un jour avant la date prévue ?

Il est possible que Juan Guaido ait tablé sur un effet de surprise pour avancer de vingt-quatre heures une opération visiblement prévue de longue date. C’est, en tout cas, ce qu’affirme Isadora Zubillaga. « Toutes les actions de Guaido ont toujours utilisé l’effet de surprise, et la journée d’hier n’est pas une exception », explique-t-elle.

Venezuela : le point sur la crise politique
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