Au Bénin, heurts entre manifestants et forces de l’ordre autour de la résidence de Boni Yayi
Au Bénin, heurts entre manifestants et forces de l’ordre autour de la résidence de Boni Yayi
Le Monde.fr avec AFP
Les autorités ont démenti vouloir arrêter l’ancien président, qui avait appelé au boycott des élections législatives de dimanche, organisées en l’absence de l’opposition.
Une barricade enflammée dans le quartier de Cadjehoun, à Cotonou, au Bénin, le 1er mai 2019. / YANICK FOLLY / AFP
Des heurts ont éclaté, mercredi 1er mai, à Cotonou, capitale économique du Bénin, trois jours après des élections législatives organisées en l’absence de l’opposition et marquées par un taux d’abstention record, dépassant les 75 %. Les violences se sont concentrées aux alentours de la résidence de l’ancien chef de l’Etat Boni Yayi (1996-2006). Ses partisans craignaient son arrestation. Boni Yayi avait appelé au boycott des élections puis avait lancé un ultimatum, lundi, pour demander au président Patrice Talon d’interrompre le processus électoral, qualifié de « coup d’Etat institutionnel ».
Les manifestants ont scandé des slogans hostiles à Patrice Talon, promettant de le « faire partir », avant d’être dispersés par des jets de gaz lacrymogène. Ils ont mis le feu à une station-service proche du palais présidentiel et ont incendié des commerces privés et des banques. Des soldats armés, des chars et d’importants effectifs de police ont été déployés à travers la ville, particulièrement dans le quartier de Cadjehoun, d’où s’échappaient d’épaisses fumées noires, et autour des grands sièges des médias.
Patrice Talon est accusé d’avoir amorcé un tournant autoritaire dans ce pays modèle de démocratie en Afrique de l’Ouest, où se multiplient les intimidations et les arrestations d’opposants. Lors des élections de dimanche, seuls deux partis proches du pouvoir étaient en lice et Internet a été coupé pendant près de vingt-quatre heures.
« Talon marchera sur nos corps »
Lundi soir, alors que les résultats des législatives se faisaient attendre, Boni Yayi avait appelé le peuple « à se défendre ». « C’est une question de vie ou de mort », avait lancé l’ancien président, qui reste soutenu par les classes populaires : « Talon marchera sur nos corps » avant d’entériner ce nouveau Parlement.
De son côté, le ministre de l’intérieur, Sacca Lafia, a démenti toute intention d’arrêter l’ancien président. « C’est une fake news », a-t-il martelé lors d’un point de presse, assurant que les forces de l’ordre avaient été déployées pour empêcher des rassemblements de manifestants. Boni Yayi est « totalement serein », a confié à l’AFP Eric Houndété, un opposant qui l’a rejoint chez lui dans l’après-midi pour lui témoigner son soutien. L’ex-président est d’ailleurs sorti quelques instants sur son balcon pour saluer la foule.
Pour de nombreux experts, l’opposition béninoise a choisi de mettre en avant les anciens chefs d’Etat Nicéphore Soglo (1991-1996) et Boni Yayi car ils sont « intouchables ». « C’est une parade, mais jusqu’à quand va-t-elle durer ? », s’interroge un politologue sous couvert d’anonymat.
Deux morts lors du vote
Mercredi matin, la commission électorale a annoncé les résultats préliminaires des législatives, marquée par une participation d’à peine 23 %. Le taux de participation à des élections n’était jamais descendu sous la barre des 50 % depuis que le Bénin est entré en démocratie, en 1990.
L’opposition n’a pas pu présenter de candidats, officiellement pour des raisons administratives. Seuls deux partis proches du pouvoir se sont affrontés et se partageront les 83 sièges du nouveau Parlement. La plateforme d’observation de la société civile a fait état de deux morts lors du vote, sur un total de 206 incidents, dont des destructions et incendies de matériel électoral et des accrochages entre militants de partis, population et force de sécurité.
Le Bénin connaît un « grave recul » de son modèle démocratique, ont déploré plusieurs observateurs et des ONG internationales ou locales de surveillance des droits humains. Amnesty International a dénoncé des « arrestations arbitraires » et « des manifestations réprimées » avant le scrutin.