LA LISTE DE LA MATINALE

Les congés de Pâques touchent bientôt à leur fin, l’occasion de profiter des derniers jours pour faire le tour de quelques-unes des expositions les plus intéressantes du moment, à Paris, en Ile-de-France et en région.

Les surprenantes créatures de Thomas Schütte, à la Monnaie de Paris

Géants de bronze, ils imposent leur stature dans les élégantes cours de la Monnaie de Paris. Ce sont des colosses aux âmes d’argile. Ainsi se dévoilent les grands témoins de l’œuvre de Thomas Schütte, qui se déploie dans tous les espaces, extérieurs et intérieurs, de l’institution. Le sculpteur allemand a finalement été peu exposé à Paris.

Il s’y révèle plein de surprises, tout à la fois architecte, céramiste, aquarelliste, et surtout dramaturge de ses propres failles. L’architecture de la Monnaie, du plus pur style classique, offre un écrin parfait à la force paradoxale de son travail : à la fois monumental et traversé de doutes, romantique et médiéval, grotesque et emphatique. Emmanuelle Lequeux

« Thomas Schütte, Trois actes ». Monnaie de Paris, 11, quai de Conti, Paris 6e. Du mardi au dimanche de 11 heures à 19 heures, les mercredis jusqu’à 21 heures. Jusqu’au 16 juin.

Vilhelm Hammershoi ou cinquante nuances de gris, au Musée Jacquemart-André

« Rayon de soleil dans le salon, III » (1903), de Vilhelm Hammershoi. / ERIK CORNELIUS / NATIONAL MUSEUM STOCKHOLM

Dans les intérieurs peints par Vilhelm Hammershoi (1864-1916), auquel le Musée Jacquemart-André consacre une exposition, il n’y a presque rien : le parquet, les murs, le plafond, une porte ouverte par laquelle on aperçoit un autre parquet et une autre porte.

Ne vit dans ces pièces à l’air raréfié qu’une femme vêtue de noir. Elle est de dos, debout ou assise, et ne fait rien. Dans les rares cas où elle est de trois quarts, elle arrange un bouquet ou pose une tasse à café ; elle a les yeux baissés et le visage neutre. Son immobilité ne dérange pas l’ordre des horizontales et des verticales, et son vêtement sombre ne trouble pas l’harmonie des gris, ocres gris et bleu gris. Ni actions, ni expressions, ni symboles. Quant à des sentiments ou des émois, ce serait indécent.

Dans les intérieurs d’Hammershoi, aucune concession au pittoresque. Même règle dans ses paysages. Cette étrangeté, cet ascétisme roide sont sans doute les raisons du peu de succès du peintre danois de son vivant et du long oubli où il faillit disparaître ensuite. Ce sont, désormais, celles de l’intérêt qu’il suscite. Il apparaît comme l’un des inventeurs d’une forme minimale de figuration, dépouillée de tout récit et obsédée d’ordre. Philippe Dagen

« Hammershoi, le maître de la peinture danoise ». Musée Jacquemart-André, 158, boulevard Haussmann, Paris 8e. Tous les jours de 10 heures à 18 heures, 20 h 30 le lundi. Jusqu’au 22 juillet.

Les Noirs dans l’art, au Musée d’Orsay

« Portrait de Madeleine » dit aussi « Portrait d’une femme noire » (1800), par Marie-Guillemine Benoist. / PHOTO RMN / GÉRARD BLOT

Il y a deux expositions en une au Musée d’Orsay, dont la deuxième s’efforce de compenser le manque d’expositions sur l’histoire du racisme et du colonialisme.

Celle qu’annonce le titre – « Le modèle noir, de Géricault à Matisse » – étudie la représentation de femmes et d’hommes noirs dans la peinture, sculpture et arts graphiques du Ier Empire à la seconde guerre mondiale, les modèles dans les ateliers, les rôles pour lesquels ils posent, les rapports entre eux et les artistes que l’on perçoit à travers les œuvres – de la plus évidente sympathie à la plus frappante indifférence.

La seconde exposition, politique et sociologique, traite des conditions juridiques, politiques et sociales faites aux Noirs en France dans cette période. La principale conclusion qui se dégage des œuvres autant que des documents et de la rencontre des unes et des autres, est que le racisme, sous des formes flagrantes ou sous-entendues, se maintient au long du siècle et demi ici parcouru, dans les milieux artistiques comme dans tous les autres milieux professionnels et sociaux. Ph. D.

« Le modèle noir, de Géricault à Matisse ». Musée d’Orsay, 1, rue de la Légion-d’honneur, Paris 7e. Du mardi au dimanche de 9 h 30 à 18 heures, jeudi jusqu’à 21 h 45. Jusqu’au 21 juillet.

L’épopée d’Homère et son influence sur les arts, au Louvre-Lens

Vue générale de l’entrée de l’exposition consacrée à Homère, au Louvre-Lens. / LAURENT LAMACZ

Pourquoi s’intéresser au poète antique aujourd’hui ? N’a-t-on pas déjà tout dit sur l’aède grec et les nombreux mystères qui l’entourent ? A-t-il d’ailleurs réellement existé ?

Pour Marie Lavandier, directrice du Musée du Louvre-Lens qui lui consacre une exposition, l’actualité d’Homère ne se discute pas : « Ces poèmes trouvent encore aujourd’hui des échos dans la vie de chacun », dit-elle. Le poète parle à tout le monde, quelles que soient son origine et son époque, et c’est sans doute pour cela qu’il a tant inspiré écrivains et artistes dans tous les domaines, de la peinture au cinéma en passant par le théâtre et la bande dessinée.

L’exposition propose, à travers 250 œuvres allant de l’Antiquité à nos jours, de se replonger dans le monde homérique, ses thèmes, ses héros, et elle invite à prendre la mesure de l’« homèromania » en montrant la fascination que n’ont cessé d’exercer ses poèmes. Sylvie Kerviel

« Homère ». Musée du Louvre-Lens, 99, rue Paul-Bert, Lens (Pas-de-Calais). Tous les jours de 10 heures à 18 heures, sauf le mardi. Jusqu’au 22 juillet.

Les Anglais dans l’objectif des photographes, à Corbeil-Essonnes

Détail de l’affiche du festival photographique L’Œil urbain, à Corbeil-Essonnes. / YAN MORVAN

Pour sa 7e édition, le festival de photographie L’Œil urbain de Corbeil-Essonnes (Essonne), en une dizaine d’expositions gratuites, a choisi de rebondir sur l’actualité et de consacrer l’essentiel de sa programmation au Royaume-Uni, avec une belle sélection de projets qui donnent une vision plutôt sombre du pays.

En plein air ou dans plusieurs lieux municipaux, que l’on peut parcourir à pied, on retrouvera des travaux historiques et noirs, comme les images de Gilles Favier sur Belfast, qui montrent la violence implacable des « Troubles » entre catholiques et protestants. Mais aussi des œuvres plus légères : on ne se lasse pas de la tordante série réalisée par Rip Hopkins, d’origine anglaise, qui a photographié les Britanniques installés en Dordogne dans des mises en scène excentriques. Claire Guillot

Festival L’Œil urbain, en différents lieux de Corbeil-Essonnes (Essonne). Jusqu’au 19 mai.