Réforme de la Ligue des champions : les clubs de football français au cœur de la fronde
Réforme de la Ligue des champions : les clubs de football français au cœur de la fronde
Par Rémi Dupré
Une vingtaine d’équipes françaises participent, lundi et mardi à Madrid, à une réunion de l’Association des Ligues européennes. Le président de la Fédération française, Noël Le Graët, rencontre Aleksander Ceferin, son homologue de l’UEFA.
Noël Le Graët, président de la Fédération française de football, trouve, en l’état, le projet de réforme de la Ligue des champions « inacceptable ». / FRANCK FIFE / AFP
La riposte s’organise. A l’instar de leurs homologues anglais, espagnols et italiens, les dirigeants du football français ont pris la tête du mouvement d’opposition au projet de réforme de la Ligue des champions engagé par l’Association européenne des clubs (ECA) et son président, l’Italien Andrea Agnelli.
Une vingtaine de clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 devaient être présents à Madrid, lundi 6 et mardi 7 mai, à l’invitation de l’Association des Ligues européennes (EPFL), lors d’une « réunion d’information pour la défense des championnats nationaux. »
« Une écrasante majorité de clubs français refuse catégoriquement ce projet » de réforme de la compétition phare européenne, indique Bernard Caïazzo, patron du conseil de surveillance de l’AS Saint-Etienne et numéro un de Première Ligue, le syndicat de la plupart des équipes de l’élite.
« Perte mécanique d’attractivité de la Ligue 1 »
Le 15 mai, les 40 clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 seront conviés à donner leur position lors d’une assemblée générale extraordinaire de la Ligue de football professionnel (LFP). Ils se positionneront sur la base des éléments recueillis, la veille, lors d’une réunion du Comité des compétitions des clubs (CCC) de l’Union des associations européennes de football (UEFA) par Didier Quillot, directeur général exécutif de la Ligue et représentant de l’EPFL au sein du CCC.
« A ce stade, sur la base d’informations non-officielles, une immense majorité de clubs français émettent de nombreuses réserves », avance Didier Quillot, qui détaille les griefs : « Le calendrier serait très significativement alourdi : un international français pourrait disputer entre 70 et 80 matchs par an et une équipe participant à la compétition, comme le PSG, pourrait mettre son équipe A en Ligue des champions et son équipe B en Ligue 1 pour jouer sur les deux tableaux. Avec une perte mécanique d’attractivité de la Ligue 1. Or, la Ligue 1 a besoin de l’équipe A du PSG, sa locomotive économique. Et le PSG a besoin de la Ligue 1. Nos destins sont liés sportivement et économiquement. »
En ce qui le concerne, le patron exécutif de la LFP se dit opposé à la « notion de maintien en Ligue des champions pour un nombre important (jusqu’à 24, selon les premiers échos) de clubs d’une année sur l’autre », pointe le « risque de cannibalisation des droits télévisés domestiques par les droits télévisés européens », tout en soulevant le « problème » que pourrait poser une telle réforme pour le « financement du sport amateur » en France.
Le PSG favorable au projet
Grand absent de la réunion de Madrid, le Paris-Saint-Germain est le seul club de l’Hexagone à s’être prononcé en faveur de cette ébauche de réforme. « Sur le principe, c’est un projet intéressant pour le PSG car créateur de richesses pour l’ensemble du football », a confié, au Parisien, Victoriano Melero, le secrétaire général de l’équipe de la capitale. Un soutien de principe d’autant plus logique que le président du PSG, Nasser Al-Khelaïfi, siège au conseil d’administration de l’ECA ainsi qu’au comité exécutif de l’UEFA.
Pour contraindre le PSG à changer de position, une mesure de rétorsion a été proposée par l’Union des clubs professionnels français (UCPF), le syndicat qui regroupe la plupart des clubs de Ligue 2 : la suppression des droits audiovisuels liés aux championnats domestiques pour les clubs qui seraient engagés en Ligue des champions.
Par la voix de Bertrand Desplat, patron de Guingamp, l’UCPF a menacé de saisir l’assemblée générale de la LFP pour que cette « démarche aille à son terme » dès 2020. « Les clubs qui se rendraient complices de cette mort annoncée du football national n’auront plus accès aux revenus des championnats domestiques », a averti, sur Europe 1, le président du club breton.
S’il a envoyé un représentant à Madrid, l’Olympique de Marseille n’a pas encore donné son opinion. « On attend d’y voir plus clair pour prendre une position officielle », assure Jacques-Henri Eyraud, son président. Le dirigeant se déterminera « après l’AG de la LFP, le 15 mai » et invite ses homologues à se pencher sur « le problème du déficit de compétitivité du football français. »
Le silence de Jean-Michel Aulas, le président lyonnais
Le silence de Jean-Michel Aulas, emblématique patron de l’Olympique lyonnais et membre influent du conseil d’administration de l’ECA, pose aussi question. Pragmatique, le septuagénaire attend de « s’informer » auprès de l’UEFA avant de se prononcer.
Plusieurs observateurs laissent entendre qu’il est en train de peser le pour et le contre, tiraillé entre les intérêts que pourrait tirer son club et sa volonté de ne pas faire de vague avant l’élection à la présidence de la Fédération française de football (FFF), en décembre 2020. Un scrutin auquel il pourrait briguer la succession de Noël Le Graët, lui-même opposé à l’ébauche de réforme.
Dans ce contexte éminemment politique, M. Le Graët a sommé le président lyonnais de se rallier à l’opinion de la majorité des clubs français : « Jean-Michel Aulas est mon ami, je lui demanderai aussi de l’être », a ironiquement déclaré le patron de la FFF à l’Equipe.
Mardi 7 mai, à Nyon (Suisse), Noël Le Graët devait rencontrer Aleksander Ceferin, le président slovène de l’UEFA, afin de le convaincre de ne pas « accepter ce schéma tel qu’il est. » Le patron du football français trouve, en l’état, le projet « inacceptable » et est en première ligne, se basant sur les informations recueillies par Florence Hardouin, directrice générale de la FFF et membre du comité exécutif de l’UEFA.
La réaction des clubs français est d’autant plus vive que la précédente réforme de la Ligue des champions, pour le cycle 2018-2021, a été perçue comme trop favorable aux quatre grands pays européens (Espagne, Angleterre, Allemagne, Italie), au détriment de l’Hexagone. « A l’évidence, la France n’a pas été bien traitée en 2016, sur la réforme pour le cycle 2018-2021, soutient Didier Quillot. Les clubs français et la LFP sont donc vigilants. On a envie de faire entendre notre voix. »